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C’est ainsi à chaque scrutin européen d’importance : le PS n’arrive pas à dégager une position unanime sur une question fondamentale pour l’avenir de notre pays. Le TSCG n’y a donc pas fait exception. Les commentateurs politiques agréés de tous bords, les responsables socialistes eux-mêmes déplorent cet état de fait.
Les tenants du oui en appellent à raison à l’éthique de responsabilité et à l’unité devant le nécessaire soutien à la politique gouvernementale, les tenants du non en appellent à l’éthique de conviction devant un traité dont ils estiment à raison qu’il ne résoudra pas les problèmes structurels de la zone Euro.
Tous ont pourtant grand tort de blâmer à l’excès le PS dans sa gestion des séquences européennes qui se sont écoulées depuis le traité constitutionnel européen car il y a un paradoxe socialiste que ses dirigeants eux-mêmes ne perçoivent pas : ces divisions d’apparence sont une chance extraordinaire tant électoralement qu’idéologiquement, et dans cette pluralité d’opinion réside un des ressorts cachés des dernières victoires électorales.
Si l’on se penche sur les résultats des dernières présidentielles, on s’apercevra en effet, si l’on s’écarte des déterminants sociologiques traditionnels pour se pencher sur les positionnements politiques des électeurs sur les récentes consultations européennes, que c’est François Hollande qui avait de loin, réussi à concilier les contraires et dépasser le clivage européen.
Par exemple, on s’aperçoit que Hollande a réussi à capter 26% des électeurs du non et qu’il était donc le premier devant Mélenchon à 23 %. Il a en outre pleinement intégré dans sa campagne et au gouvernement à des postes névralgiques comme l’ éducation, les affaire étrangères et européennes d’anciens partisans du non.
Au contraire, Nicolas Sarkozy qui avait pourtant verbalisé ce dépassement dans ses discours et rejoint un certain nombre de positions critiques sur l’Europe, en remettant en cause Schengen, n’a jamais pu réaliser ce grand écart. Seuls 14 % des électeurs ayant choisi de voter non au référendum sur le TCE ont porté leur suffrage sur l’ancien chef de l’Etat. Ce dernier avait par ailleurs très justement perçu cette faiblesse qu’il avait en vain essayé de corriger pour l’emporter.
Très critiqué lors de la tenue du référendum sur le TCE alors qu’il présidait aux destinées de la rue de Solférino, le nouveau président de la république a, en fait, touché les dividendes d’une attitude qui était avant tout faite pour rassembler ultérieurement au-delà de ce clivage passager. Son apparente passivité recouvrait une compréhension de la nature profonde de l’histoire du PS et de l’état de l’opinion de gauche, partagée depuis longtemps entre une tendance européaniste et girondine et une tendance républicaniste et jacobine qu’il faut concilier.
Si le PS ne peut majoritairement sombrer dans l’euroscepticisme à moins de perdre toute crédibilité aux yeux de ses partenaires européens, il ne peut non plus se priver de toute parole critique tant l’électorat de gauche dans ses couches les plus modestes est désireux d’une profonde réorientation de la construction européenne.
L’expulsion par l’UMP de tout débat contradictoire en son sein sur la question européenne a en fait terriblement réduit son offre politique. Cette européanisation de la droite sans contrepoids interne a tranché en effet avec deux thématiques historiques majeures sur lesquelles une partie de sa force reposait.
Elle aborde désormais la nation en termes culturalistes et elle fait de la catégorie de l’étranger un débat de politique intérieure et non plus comme par le passé un espace de positionnement de la France au regard du monde, ce qui constituait l’essence de la politique gaullienne.
C’est aussi une des clefs de la montée du FN : la stratégie de dédiabolisation et de « national-social-républicanisation » engagée par Marine Le Pen prospère sur le monolithisme de la droite qui a laissé un espace considérable à cette dernière. La stratégie lepeniste n’est pas tant un choix conscient et construit que l’illustration de la maxime selon laquelle la nature a horreur du vide. Le FN est à la pointe d’une nouvelle alliance entre bonapartisme et légitimisme tant la droite française s’est « orléanisée » ces dix dernières années.
Le PS, en organisant le débat en son sein a, bien au contraire, fait un choix sans doute inconscient des plus heureux qu’il n’est pour autant ni facile d’assumer ni de poursuivre. En privé les dirigeants du front de gauche rêvent de cette erreur historique que serait un PS hémiplégique, ayant évacué tout débat interne.
Rien ne serait donc plus dangereux pour le PS que de rompre avec cette appropriation du débat pour préférer à la difficile dispute démocratique une cohérence toute relative qui ne ferait que compliquer son équation électorale vis à vis des classes populaires.
Tribune initialement publiée sur le Huffington Post (31 octobre 2012).
(Illustration photo : when i was a bird – Licence Creative Commons)