Quelles primaires pour la désignation du candidat progressiste à la présidence de la Commission européenne ? Pistes pour l’élaboration d’un modèle européen

Comme il a été très justement souligné dans la note publiée par Terra Nova sur les primaires européennes, la désignation d’un candidat progressiste à la présidence de la Commission européenne avant les élections de 2014 représente un enjeu majeur.  Le projet en question est d’autant plus important qu’il a été à l’origine d’une étude de la FEPS sur le processus de nomination et de sélection des candidats à la candidature1, une réflexion qui a amené à envisager la possibilité de recourir à des primaires pour désigner le candidat progressiste à la présidence de la Commission européenne2.Mais le débat qui a pris forme autour de cette campagne nous engage à ne pas perdre de vue les enjeux politiques que la sélection des candidats à présenter à une nomination ou à une élection représente du point de vue des rapports entre les partis et leurs militants, entre les partis et leurs potentiels électeurs, entre les partis et les projets politiques que les différents compétiteurs aux primaires incarnent.

Dès lors que l’on se tourne vers les primaires américaines, on s’aperçoit qu’il s’agit avant tout d’un instrument électoral. Aux États-Unis, la différence entre primaires ouvertes, semi-ouvertes et fermées s’intègre au droit de vote et à l’inscription aux listes électorales (les register voters). Lors de l’inscription aux listes électorales, les citoyens américains s’y s’inscrivent en tant que supporteurs démocrates, républicains ou comme indépendants : « In some States, you must register with a party if you want to take part in that party’s primary élection, caucus, or convention »3.

Chaque État opte pour un différent mode de sélection (caucus, primaires non partisanes, primaires partisanes) des délégués qui, dans chaque parti, désigneront le candidat à la présidentielle.

Pour ce qui est des États où sont en vigueur les primaires partisanes, nous avons plusieurs variantes possibles :

  • Les primaires fermées, auxquelles peuvent participer les électeurs enregistrés en tant que supporteurs du parti démocrate (pour voter aux primaires démocrates) ou du parti républicain (pour voter aux primaires républicaines).
  • Les primaires ouvertes, auxquelles peuvent participer tous les électeurs enregistrés (à n’importe quel parti ou indépendants)
  • Les primaires semi-ouvertes, auxquelles peuvent participer tous les électeurs enregistrés comme supporteurs ainsi ceux qui s’enregistrent sur place.

Compte tenu des importantes différences institutionnelles et des organisations internes des partis qui caractérisent les États-Unis et les pays membres de l’Europe, trois différentes procédures de sélection du candidat progressiste à la Commission européenne se dégagent :

1.  Organiser une consultation-primaire interne au PSE en limitant le droit de vote aux activistes du PSE (ainsi qu’aux militants des partis membres et alliés du PSE).

2. Organiser des primaires ouvertes aux citoyens ayant vocation à fédérer les électeurs autour d’un projet et d’un candidat et à réduire le taux d’abstention qui caractérise les élections européennes.

3. Faire coïncider l’élection du Président du PSE avec l’investiture à candidat à la présidence de la Commission européenne. Cette dernière option impliquerait d’envisager une réforme des statuts et des règles d’élection du président du PSE ; un processus de démocratisation interne qui permettrait de conférer aux activistes et aux militants des partis des pays membres le droit de choisir et d’élire les délégués nationaux qui participeront aux congrès et à l’élection du président du parti.

Dans les trois cas, le premier constat est la difficulté de fédérer les différents partis membres du PSE autour des primaires. Jusqu’ici il n’y a que deux partis qui ont décidé d’adopter les primaires ouvertes aux citoyens électeurs dans le cadre de la sélection d’un candidat à la candidature d’un poste exécutif : le PD italien et le PS français. Et c’est bien le cas italien du PD qui nous pousse à prendre en considération la troisième option. La spécificité italienne des primaires ouvertes aux citoyens réside, avant tout, dans leur usage pour l’élection du Secrétaire national et des Secrétaires de Région du PD. Mais l’élection du Secrétaire national coïncide avec l’investiture de ce dernier à candidat du PD au poste de Premier ministre pour les élections législatives qui se tiennent pendant son mandat de chef du parti. Certes, dans le cas spécifique du PD, nous nous trouvons confrontés à des primaires ouvertes aux citoyens « électeurs ». Il n’empêche que dans un contexte européen on pourrait envisager le troisième cas de figure évoqué plus haut.

Ce choix montrerait un triple avantage. Premièrement, l’implication des activistes du PSE et des militants des partis des États membres dans la sélection des délégués nationaux rattachés aux différents candidats au poste de président du PSE, qui sera aussi candidat à la présidence de la Commission européenne, obligerait les compétiteurs à un travail de fond sur un projet à la fois de parti et de gouvernement. Deuxièmement, les activistes et les militants auraient la possibilité de participer de manière plus concrète à un processus d’élaboration et de vote qui implique de manière très directe les sections et les fédérations des partis nationaux. Ce serait une manière de contribuer à la visibilité et à la territorialisation du PSE. Troisièmement et enfin, cette première ouverture à la base pourrait contribuer à frayer un chemin aux primaires ouvertes aux citoyens électeurs. Dans un futur très proche, les citoyens électeurs, comme dans le cas du PD, pourraient êtres appelés à contribuer au choix du président du PSE et, par conséquent, du candidat à la présidence de la Commission européenne.

Notes

1 – Anna Skrzypek, Models of (s)electing a pan-Europea, Leading candidate, FEPS, 24 juin 2010.

2 – Le blog Campaign for a PES primary, animé par Desmond O’Toole et José Reis Santos.

3 – National mail voter registration form, 11 août 2010, p. 2. Voir aussi Edmondo Mostacci, « Le primarie negli Stati Uniti : partecipazione politica e ruolo dei partiti nelle elezioni presidenziali americane », Diritto pubblico comparato europeo, 2008-II, G. Giapichelli Editore.

(Illustration photo : FutUndBeidl / Flickr.com / Licence Creative Commons)

Barbara Revelli

Vice-Présidente d’EuroCité Diplômée d’une Laurea en philosophie et histoire et d’une Licence en droit administratif obtenue à l’Universita degli studi di Torino, Barbara Revelli est spécialisée dans le domaine de la veille stratégique. Elle exerce actuellement la fonction de sélection de l’information dans les domaines des marchés publics auprès d’une société d’ingéniérie italienne. Militante du Partito Democratico italien, du Parti Socialiste français et du Parti Socialiste Européen, Barbara Revelli analyse le rôle que les directives européennes jouent dans la construction de l’Europe politique et économique ainsi que dans l’évolution du projet de l’Euroméditerranée. »