Chronique des élections législatives de l’Union européenne (2011). La poursuite du glissement à droite

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À la fin de l’année 2010, EuroCité publiait une chronique des élections législatives de l’Union européenne (2009-2010)1, sous titrée « le glissement continu à droite ». L’objet de cette chronique était indiqué par le choix délibéré de la préposition « de [l’Union] », la où le lecteur aurait pu attendre l’usage du mot « dans ». En introduction de cette mise à jour annuelle, il est bon de rappeler la justification de cette terminologie. Les élections législatives dans les pays membres de l’Union européenne sont bien des élections législatives dans l’Union européenne. Cependant, ce qui nous intéresse ici, c’est la couleur politique d’un des deux législateurs de l’Union, le Conseil, composé des gouvernements nationaux. Les pays européens (à l’exception de Chypre)2étant des régimes parlementaires, les élections législatives nationales sont donc également toutes des élections législatives de l’Union européenne.

La présente chronique, s’interdisant de commenter l’éternel débat sur la forme institutionnelle à donner à l’Union dans le futur, s’intéresse donc aux équilibres de pouvoirs au sein des institutions actuelles. Elle se fonde sur le principe selon lequel il serait du devoir des socialistes et des sociaux-démocrates européens – qui depuis les années 1950 ont participé au façonnement institutionnel de l’Europe telle qu’on la connait – de jouer un rôle dans le développement et l’enrichissement d’une compréhension partagée de ces institutions et en particulier des mécanismes législatifs qui en relèvent. De notre point de vue, cela impliquerait de prendre systématiquement en compte la dimension européenne des élections nationales et d’en tirer les conséquences dans la définition des programmes politiques présentés aux électeurs.

Cette exigence prend une résonance encore plus sensible en cette fin d’année 2011. Les douze derniers mois ont en effet été particulièrement mouvementés, rythmés de façon régulière par les réunions de chefs d’États et de gouvernements tentant désespérément de donner une réponse au chantage de marchés s’attaquant non plus à quelques États membres isolés, mais bien à l’ensemble des pays de la zone Euro, et par conséquent au modèle économique et social européen lui-même. Notons d’ailleurs que le niveau de ces réunions, donnant le premier rôle au Conseil européen, tend en réalité à faire passer au second plan le Parlement et le Conseil de l’Union (et ses formations constituées des ministres des gouvernements nationaux), qui sont pourtant les institutions chargées de l’adoption de la norme juridique européenne.

Au cours des derniers mois, il est devenu de plus en plus évident que la spirale de la spéculation boursière contre l’Euro et de la panique politique n’était pas remise en cause pour autant, pour notamment deux raisons. Premièrement, les chefs de gouvernements européens, très majoritairement à droite, ne parviennent pas à s’entendre sur un saut qualitatif permettant de renforcer la crédibilité de l’Euro et la cohésion et la solidité de l’Union en mettant en commun de nouveaux pans de souveraineté budgétaire et fiscale, tout en élargissant le champ d’intervention de la Banque centrale européenne. Deuxièmement, toutes les mesures prises ont visé à rassurer les marchés en appliquant des recettes d’austérité dans la ligne du consensus de Washington, entraînant les pays les plus touchés dans un cercle vicieux où la rigueur budgétaire renforce la récession, limite les recettes fiscales et, faisant baisser la richesse nationale, aboutit à une augmentation mécanique de l’indicateur privilégié de la période, le ratio dette public/PIB. La pression des marchés, dont on peut considérer qu’elle s’est initialement enclenchée pour des raisons en partie arbitraires de type phénomène de moutons de Panurge3, ne peut se trouver que justifiée, pour ne pas dire auto-justifiée par l’impossibilité d’un retour à l’équilibre. Elle ne fait donc que se renforcer.

Face à ce fiasco, la presse européenne tend de plus en plus à commenter les défaites électorales successives de plusieurs gouvernements sortants comme une conséquence directe de la crise économique, supposant que la position même de sortant est devenue un « actif toxique » pour tout parti politique, quel que soit sa famille de pensée et son programme. Pourtant, vingt-trois élections législatives ont eu lieu dans l’Union depuis les élections européennes de juin 2009, dans vingt-et-un pays4. Alors même que la majorité des gouvernements se situait déjà clairement à droite, ce phénomène n’a fait que se renforcer. Si les partis de droite gouvernementale subissent aussi la concurrence de nouveaux acteurs, il est clair que seuls les sortants de gauche perdent systématiquement les élections. Il faut donc accepter de se pencher sur cette réalité, et de l’ausculter pour pouvoir faire face à un constat inévitable. Les citoyens européens sont vraisemblablement inquiets et pour beaucoup désespérés par les orientations politiques et socio-économiques en voie de s’imposer au niveau mondial et européen. Mais ils ne trouvent pas dans les discours et les programmes proposés par la gauche au niveau national de réponse conjurant ce qui se présente aujourd’hui comme une fatalité.

2009-2010 (rappel), la gauche européenne toujours plus minoritaire

À la veille des élections européennes du 4 au 7 juin 2009, le rapport de force politique dans l’Union européenne était déjà nettement en faveur de la droite. Le groupe du PPE (Parti populaire européen) était clairement le premier au Parlement européen, alors qu’il contrôlait une majorité des gouvernements des États membres, correspondant à environ 60% des voix au Conseil de l’Union européenne.

Les scrutins européens de 2009 et nationaux de 2009-2010 ont fait apparaître une tendance quasiment univoque, relativement inédite dans l’histoire d’une Union européenne où l’évolution des résultats électoraux, déterminée par les seuls contextes nationaux, ne paraissait pas jusque là suivre de mouvement uniforme.

Dans un premier temps, l’élection du Parlement européen avait fait apparaître un fait nouveau. Le renforcement de la droite s’est construit sur une asymétrie nouvelle : les gouvernements nationaux de gauche ont été sanctionnés, mais les pays gouvernés par la droite ont aussi presque tous vu une diminution importante du vote en faveur des sociaux-démocrates. En conséquence, les députés conservateurs étaient pour la première fois en mesure de former des majorités absolues en cas d’alliance avec les groupes parlementaires situés à leur droite.

En ce qui concerne le Conseil, seule une élection nationale sur treize entre juin 2009 et octobre 2010 avait abouti à une avancée nette de la gauche (la Grèce) , toutes les autres se traduisant par une stagnation ou par des défaites douloureuses confinant dans plusieurs cas au désastre.

À la fin de l’année 2010, le  Parti socialiste européen (PSE) avait perdu près de la moitié de l’influence qu’il gardait au sein du Conseil. Le PPE n’avait pas progressé, mais cette stagnation n’était due qu’au passage des conservateurs britanniques dans une autre famille politique rassemblant les droites les plus eurosceptiques du continent. Le poids de la droite s’était donc bel et bien accru. Dans le même temps, le nombre de participations socialistes minoritaires dans des gouvernements dirigés par d’autres familles politiques était lui aussi orienté à la baisse, très au dessous du nombre de participations libérales. En choisissant pour indicateur le nombre total de gouvernements à direction et à participation socialiste, il aurait même été possible de dire que la famille PSE n’était plus que la troisième famille politique dans l’Union, après libéraux.

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2011 : la marginalisation ?

En 2011, pas moins de dix élections législatives nationales ont eu lieu. Dans deux cas (le Portugal et la Lettonie), il s’agissait de pays qui avaient déjà tenu de tels scrutins dans les dix-huit mois précédents et qui retournaient aux urnes à la suite de problèmes d’instabilité gouvernementale. La tendance générale, à la fin de ce cycle électoral intense, n’est que renforcée. Difficile de dire qu’il s’agit de coïncidences, alors que vingt-et-un pays sur vingt-sept ont renouvelé leur parlement en deux ans et demi. Seuls l’Autriche, la France, l’Italie, la Lituanie, Malte et la Roumanie n’ont pas voté depuis la fin du premier semestre 2009.

L’année 2011 : dix élections nationales confirmant les tendances de 2009-2010

Deux résultats positifs pour des partis d’importance secondaire : Irlande et Estonie

Comme en 2009-2010, il existe quelques exceptions à la succession de résultats négatifs enregistrés par la gauche européenne.

Les élections législatives irlandaises de février 2011 se sont soldées par un bon résultat, tout en laissant un goût un peu amer, car les travaillistes avaient un temps espéré un score encore plus historique. Le gouvernement du Premier ministre Brian Cowen, dirigé par le parti dominant traditionnel Fianna Fáil, était en effet en pleine débâcle du fait de la quasi-mise sous tutelle des finances nationales à la suite du renflouement de banques par le budget de l’État et de l’éclatement de divers scandales de collusion avec les milieux financiers. Cette situation, en soi intenable, était encore plus destructrice dans le cas d’un parti dont l’histoire est associée à la demande d’une indépendance pleine et entière pour le pays. Dans les mois précédant les élections anticipées, Fianna Fáil s’effondrant littéralement, tous les partis d’opposition progressaient, et pendant quelques mois les travaillistes purent espérer prendre la tête de la compétition, un résultat inespéré pour un parti toujours cantonné aux seconds rôles. Pourtant, le résultat final a désigné l’ancien second parti du pays, le Fine Gael (PPE), pour prendre la tête du gouvernement. Avec 19,4% des voix, le Labour a néanmoins égalé son record historique. Plus encore, il atteint pour la première fois le rang de deuxième parti. Dans ses conditions, il est possible de se demander pourquoi la seule stratégie envisagée a été de rester dans le moule traditionnel du paysage politique irlandais, c’est-à-dire devenir, comme plusieurs fois dans le passé, le partenaire gouvernemental minoritaire du Fine Gael. Il s’agissait certes de donner un pays un gouvernement stable dans des circonstances difficiles. Pourtant, ce choix intervient au moment même où d’autres forces de gauche, concurrentes potentielles, émergent (Sinn Féin, United Left Alliance). L’élection d’un Président de la République soutenu par le Labour, Michael Higgins, en octobre 2011, pourrait indiquer que le parti n’a pas encore souffert de sa position au gouvernement. Il s’agit cependant d’une élection à part dans le système irlandais, qui ne peut être interprétée comme un vote partisan classique.

Au début du mois de mars, c’était au Parti social démocrate estonien (SDE) d’obtenir un résultat encourageant. Avec 17,1% des voix, soit un progrès de 6,5 points, le SDE continue une pente électorale ascendante depuis plusieurs législatures et double quasiment son groupe parlementaire. L’émergence, pour la première fois, d’un parti vert ayant obtenu près de 4% des voix, témoigne que le potentiel du vote progressiste est réellement à la hausse. Contrairement au choix effectué après les précédentes élections en 2007, le SDE s’est abstenu de rejoindre la coalition gouvernementale en tant que force d’appoint. Son succès ayant été obtenu après qu’il soit sorti de cette coalition à mi-législature, il faut y voir la poursuite d’une stratégie ayant jusqu’ici donné des résultats positifs. Reste que le SDE n’est encore que le quatrième parti estonien.

Deux résultats ambigus en Europe du nord : Finlande et Danemark

Les élections finlandaises d’avril 2011 et danoises de septembre 2011 cumulent plusieurs caractéristiques ambigües : dans les deux cas, les partis sociaux-démocrates reviennent au gouvernement, pour le diriger au Danemark et en tant que partenaire de coalition minoritaire en Finlande. Dans les deux cas également, ils enregistrent des résultats relativement stables (-0,7 point au Danemark et -2,3 points en Finlande). Dans les deux cas surtout, leur résultat propre est inquiétant, abstraction faite du retour au pouvoir en coalition : ces légers reculs s’ajoutent en fait à une succession de précédents reculs. Au total, les deux partis enregistrent leur plus bas plancher depuis un siècle. Pour le reste, leur situation en 2011 diverge sensiblement.

Dans le cas danois, l’élection est en effet une bonne nouvelle pour la gauche considérée dans son ensemble. La politique danoise se caractérise depuis des décennies par un grand multipartisme, qui reste néanmoins clairement bipolaire. Depuis 2001, le total des voix des partis de droite leur permettait de détenir une courte majorité, grâce au soutien de l’extrême-droite. L’usure du pouvoir et la lassitude vis-à-vis de l’extrémiste Parti du peuple danois dirigée par Mme Pia Kjaersgaard ont eu raison des sortants, bien qu’avec une marge très étroite. Dans le même temps, le progrès des partis écologistes de gauche et social-libéral ont permis à la dirigeante sociale-démocrate Helle Thorning-Schmidt de devenir la première femme Première ministre de l’histoire du pays, malgré la contre-performance de son parti.

Dans une certaine mesure, les élections finlandaises sont l’expression d’une conjoncture opposée, notamment en ce qui concerne l’extrême-droite. En effet, celle-ci, représentée par le parti populiste des « Vrais finlandais », établit un record. Avec 19,1%, elle n’est qu’à 1500 bulletins de vote des sociaux-démocrates, et devient le troisième parti du pays en surfant sur la crise de la dette et l’effondrement du Parti du centre qui dirigeait jusque là le gouvernement, miné par plusieurs scandales. Mais la séquence post-électorale a, à bien des égards, été plus problématique encore. Il est en effet de tradition en Finlande que le parti arrivé en tête cherche à former la coalition la plus large possible, au-delà d’une majorité simple au Parlement. Étant donné l’éclatement du paysage politique et la volonté des centristes de passer dans l’opposition, le parti de la Coalition nationale (PPE), arrivé en tête de justesse, n’avait d’autre choix que de s’allier avec les sociaux-démocrates, ce qui n’est pas en soi original. Cependant, les deux partis, ne totalisant que 86 sièges sur 200, se sont trouvés dans l’obligation d’en solliciter d’autres. Or tous les deux ont choisi de s’orienter en premier lieu vers le seul parti capable d’aider à dessiner une vaste majorité : les Vrais finlandais !

Dans le contexte du deuxième trimestre 2011 et de la négociation du plan de sauvetage du Portugal, la négociation a d’emblée été ardue, la campagne des populistes ayant été axée sur le refus de « payer pour les Portugais » (et les Grecs, etc.). Après des semaines de tension et de compromis de la part des partis démocratiques, les Vrais finlandais ont finalement définitivement refusé d’entrer au gouvernement. En conséquence, les partis traditionnels, y compris les sociaux-démocrates, ont été contraints de former un gouvernement hétéroclite rassemblant plusieurs petits partis (Alliance de Gauche, Ligue verte, Parti suédois) tout en ayant fait la preuve de leur perméabilité au programme de l’extrême-droite. Une situation potentiellement catastrophique.

La péninsule ibérique, à droite toute : Portugal et Espagne

L’acharnement boursier contre deux pays d’Europe du sud à gouvernement socialiste était une évidence depuis de nombreux mois, et acculait les gouvernements de Lisbonne et de Madrid à accumuler des mesures impopulaires dans l’espoir toujours déçu de mettre un terme aux spéculations.

Le gouvernement portugais, réélu en septembre 2009 avec une majorité relative et un score en sérieuse baisse, n’avait plus les moyens de se maintenir, dès lors que ses partenaires européens exigeaient de lui des mesures qui ne pouvaient recevoir le soutien des petits partis situés à sa gauche, et que l’opposition de droite était réticente à tout accord, prête à provoquer des élections anticipées qu’elle savait devoir lui être favorables. Ainsi, ayant perdu la confiance de l’Assemblée au printemps, le Premier ministre José Sócrates s’engagea dans une campagne électorale plus que délicate. En jouant sur son charisme quelque peu autoritaire, il put espérer inverser la tendance au début de la campagne électorale, mais s’avoua finalement battu. Avec 28,1% des voix, le PS portugais retrouve des planchers électoraux qu’il n’avait plus connus depuis vingt ans. La droite, composée du PSD (PPE) et du CDS/PP (chrétien conservateur et également membre du PPE), obtient la majorité absolue des sièges et peut gouverner de manière stable sous la direction de Pedro Passos Coelho, dans une configuration voisine de celle qui avait autorisé l’accession au pouvoir de José Manuel Durão Barroso en 2002. Le Parti communiste et sa coalition électorale CDU ne profitent que modérément du recul du PS, alors que le Bloc de gauche, l’autre formation de la gauche portugaise, recule nettement. L’élément le plus spectaculaire de ces résultats est la lourdeur de la chute des socialistes, qui perdent un quart de leur voix depuis les élections de 2009, et 40% par rapport aux élections précédentes.

Le résultat du scrutin de novembre 2011 en Espagne est encore plus brutal5, dans la mesure où la chute du PSOE n’a pas connu d’étape intermédiaire comparable aux élections de 2009 au Portugal. De plus, la configuration du paysage politique national espagnol fait que le PSOE, lui aussi ramené à 28,7% après avoir perdu près de 40% de ses voix (de 11,29 à 6,97 millions de voix), est confronté à la majorité absolue d’un seul parti de droite, alors que les autres groupes parlementaires, éclatés entre forces de gauche marginales et petits groupes régionalistes hétéroclites6, n’ont pas le potentiel pour développer un discours d’opposition structuré ni pour générer d’éventuelles alliances. Cette situation est nouvelle pour le PSOE, qui obtient son plus mauvais score depuis le retour de la démocratie en Espagne, et qui a perdu en une législature la capacité – qu’il avait jusque là constamment renforcée – à capter, par un phénomène de vote utile, l’essentiel de l’électorat des forces régionales et alternatives lors des élections nationales.

Cataclysmes électoraux et marginalité politique : Chypre, Lettonie, Pologne et Slovénie

Dans plusieurs pays ayant rejoint l’Union européenne en 2004, les scrutins législatifs aboutissent à des issues encore plus radicales pour les partis membres du PSE. Dans ces pays, l’histoire politique démocratique des deux dernières décennies n’a pas constitué de tradition longue pour le vote social-démocrate, expliquant peut-être ainsi des situations de réelle marginalité politique.

Le premier de ces pays à organiser des élections législatives est aussi celui où le paysage politique a été le plus stable. Il s’agit de Chypre, en mai 2011. Comme cela a été rappelé en introduction, Chypre est le seul régime authentiquement présidentiel dans l’Union européenne. Ainsi, les élections parlementaires ne remettent pas en cause la stabilité du gouvernement. Par ailleurs, le Mouvement pour la social-démocratie (EDEK) y est politiquement marginal, les premières places étant occupées par le Parti progressiste des travailleurs (AKEL, membre de la GUE) du Président Dimitris Christofias, et par le Rassemblement démocratique (DISY, membre du PPE), dans l’opposition. Lors des élections de 2011, l’AKEL, tout en se renforçant légèrement, a perdu d’un cheveu sa place de premier parti au profit du DISY, l’EDEK obtenant avec seulement 8,9% des voix un résultat en baisse quasiment insensible. Dans tous les cas, l’EDEK continue à être très secondaire pour toute stratégie d’alliance au Parlement, puisque l’allié de choix des grands partis reste le Parti démocrate (DIKO, membre de l’ALDE) de l’ancien président Tassos Papadopoulos.

La situation en Lettonie se caractérise par une instabilité renforcée, puisque les élections législatives anticipées de septembre 2011 ont eu lieu seulement onze mois après les précédentes. En effet, la dissolution du Saeima (Parlement letton) a été décidée par un référendum organisé en juillet sur proposition du Président de la République7 Valdis Zatlers. La Lettonie est le seul pays de l’Union où aucun parti membre du PSE n’est représenté au Parlement national. Le parti membre, le Parti social-démocrate letton des travailleurs, est en voie de disparition depuis plusieurs législatures. En 2011, il a réussi à perdre de nouveau près de 60% des suffrages dont il disposait en 2010, passant de… 0,7% à 0,3% des voix ! In fine, la coalition sortante dirigée par le Premier ministre Valdis Dombrovskis (parti Unité, PPE), est reconduite, malgré le relatif succès du parti lancé par le Président Zatlers (Parti de la réforme Zatlers, également de droite, 20,8%). Cependant, il est à noter que le PSE tente depuis quelques années d’établir des liens avec un parti en forte croissance, le Centre de l’harmonie. Ce parti, tenu à l’écart de toute coalition gouvernementale, est devenu en 2011 la première force politique du pays avec 28,4% des voix. Il se présente comme un parti de gauche. Pourtant, sa caractéristique fondamentale est qu’il représente avant tout la minorité russe en Lettonie, d’où proviennent la plupart de ses élus. Il a été fondé en intégrant des tendances politiques issues de la décomposition de l’ancien Parti communiste. Au Parlement européen, sa position est peu claire puisque l’un de ses deux eurodéputés est membre du groupe socialiste et démocrate, alors que le second appartient à la Gauche unie européenne.

Le cas des élections polonaises d’octobre 2011 donne un autre exemple de parti tendant à la marginalité politique. À la différence des deux précédents cependant, il s’agit d’un parti qui dominait la scène politique il y a dix ans. L’Alliance de la gauche démocratique (SLD), conduite par Grzegorz Napieralski, fort d’un score inattendu (13%) lors des élections présidentielles de 2010, a longtemps espéré que ce scrutin parlementaire pourrait amorcer le début d’un renouveau. Le calcul fait par ses dirigeants était de tabler sur une progression modeste replaçant le parti au dessus des 15% des voix et le rendant incontournable du fait d’une érosion attendue du gouvernement de la Plate-forme civique (PO, PPE). Dès lors, le SLD aurait été réintégré dans les jeux d’alliance destinés à éviter le retour de Droit et Justice (PiS), le parti de Jaroslaw Kaczynski, au gouvernement. Ces attentes pouvaient paraître raisonnables, mais elles ont été largement déçues. D’une part, PO n’a pratiquement pas perdu de voix, alors que son allié le Parti du peuple polonais (PSL, parti agrarien aussi membre du PPE) s’est également maintenu, autorisant une reconduite sans changement de la coalition sortante. D’autre part, un dissident de PO, Janusz Palikot, à la tête d’un parti portant son propre nom, a réalisé une percée sur la base d’un programme libéral laïque qui a ôté au SLD une partie de son espace politique potentiel, le cantonnant à l’électorat traditionnel et toujours moins nombreux des nostalgiques du communisme. Palikot obtenant un total de 10% des voix, le SLD se retrouve rétrogradé à 8,2%, en cinquième position. Cela représente une perte de près de 45% des voix qui s’étaient portées sur lui lors des précédentes élections en 2007, en tenant compte d’une participation en baisse.

Pour finir, les élections slovènes de décembre 2011 constituent un autre cas à part. Dans ce petit pays gouverné par un centre-gauche dirigé par des libéraux jusqu’en 2004, puis passé à droite entre pendant la législature 2004-2008, les sociaux-démocrates, auparavant parti secondaire, avaient fini par s’imposer comme colonne vertébrale de la gauche et comme premier parti du pays à l’occasion des élections de 2008, le député européen PSE Borut Pahor devenant Premier ministre. Trois ans plus tard, c’est le retour à la case départ. La chute du gouvernement, miné par l’instabilité d’une coalition où certains partenaires minoritaires avaient fini par passer à l’opposition, a donné lieu à des élections anticipées d’où les sociaux-démocrates sortent éreintés. Avec 10,5%, ils perdent environ les deux tiers des voix qui s’étaient portées sur eux lors du précédent scrutin. À l’échelle du paysage politique national, ce résultat semble confirmer une double tendance de relative stabilité des rapports de force entre centre-gauche et droite, et de volatilité extrême à l’intérieur du bloc de centre-gauche. En effet, c’est un parti nouvellement fondé, la Liste Slovénie positive de Zoran Jankovic, qui arrive en tête du vote avec 28,5% des voix. Ce parti se positionne au centre-gauche, bien que son affiliation européenne ne soit pas encore connue. Quoi qu’il en soit, les sociaux-démocrates semblent s’orienter vers un retour au rôle de force d’appoint au sein d’une coalition, rôle qu’ils avaient connu avant 2004.

Un Conseil toujours plus à droite

Les rapports de force au sein du Conseil de l’Union ont ainsi évolué d’une manière toujours plus défavorable à la gauche. Pour mieux comprendre le graphique ci-dessous, il est bon de rappeler la nature des indicateurs choisis pour le construire.

D’une part, malgré l’adoption du traité de Lisbonne et son entrée en vigueur en décembre 2009, la pondération des voix entre États choisie comme point de repère reste celle issue du traité de Nice. En effet, cette pondération n’est appelée à disparaître qu’à l’issue d’une transition durant jusqu’au 1er novembre 2014. Selon le traité de Lisbonne, la procédure législative ordinaire, dont le champ d’application a été nettement étendu, inclut un vote du Conseil à la majorité qualifiée. Le total des voix est de 345 voix, le nombre de voix par pays allant de 3 (Malte) à 29 (Allemagne, France, Italie, Royaume-Uni). La majorité qualifiée est fixée à 255 voix, la minorité de blocage étant donc de 90 voix.

D’autre part, le Conseil se réunit en diverses formations compétentes pour divers domaines politiques (Affaires générales ; affaires étrangères ; affaires économiques et financières ; justice et affaires intérieures ; emploi, politique sociale, santé et consommateurs ; Compétitivité ; transports, télécommunications et énergie ; agriculture et pêche ; environnement ; Éducation, jeunesse, culture et sport). Dans chaque cas, ce sont les ministres nationaux compétents qui siègent. En conséquence, les gouvernements de coalition sont représentés par des ministres appartenant à des partis différents dans les différentes formations du Conseil. Il a cependant été choisi, pour préserver une lisibilité d’ensemble, de construire ce graphique sur la base de la couleur politique du parti dirigeant le gouvernement. C’est un peu réducteur, mais il importe de garder en tête que tout ministre représente la position de son gouvernement lors des réunions du Conseil, et donc, le cas échéant, la position négociée au sein de sa coalition. Il va donc sans dire que le parti dirigeant la coalition a un poids certain y compris dans les positions défendues par les ministres qui n’en sont pas membres. De plus, il est également vrai que le parti dominant la coalition est celui qui dispose du plus grand nombre de ministres siégeant au Conseil8.

Une autre remarque doit être faite concernant les familles politiques : aux couleurs politiques correspondant aux groupes et partis européens a été ajoutée une catégorie « non-déterminé » pour tenir compte de la mise en place de gouvernements dits de techniciens en Grèce et en Italie. La Slovénie est également incluse dans cette catégorie tant que son nouveau parti dirigeant n’aura pas adhéré à un parti politique européen.

Le constat est brutal : la gauche européenne a bel et bien touché le fond. Avec 29 voix (soit 8,4%) le PSE a perdu plus de la moitié de l’influence qu’il pouvait encore détenir fin 2010. Les partis membre de la GUE se maintiennent à 4 voix grâce à Chypre. Même les libéraux et démocrates sont en chute, avec 17 voix (4,9%). Au total, gauche et centre, selon la définition la plus large possible, pèsent moins du quart du Conseil, avec 50 voix : à peine plus de la moitié de ce qu’il faudrait réunir pour obtenir une minorité de blocage.

Dans le même temps, le PPE, avec 209 voix (60,6%) confirme sa position dominante avec une légère progression. Sans la chute de Silvio Berlusconi, ce total aurait atteint 238 voix et 69%, très proche de la majorité qualifiée. À sa droite, les gouvernements dirigés par des souverainistes (Royaume-Uni et République Tchèque) conservent un poids inchangé à 41 voix (11,9%), soit plus que les socialistes ou que les libéraux. Les « non-déterminés » réunissent 45 voix (41 sans la Slovénie), ce qui, abstraction faite des contextes nationaux, n’est pas un bon signe pour la démocratie dans la mesure où ces gouvernements ont été mis en place pour que des technocrates pallient à l’impuissance d’exécutifs élus.

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Pour tenir compte des limites de ce premier indicateur, quelques commentaires complémentaires doivent être énoncés concernant le poids relatif des différentes familles politiques représentées au Conseil dans leur rôle de partenaire minoritaire de coalition. De nouveau, le constat est sévère pour la gauche. La GUE voit sa progression légèrement augmenter grâce à son entrée dans le gouvernement finlandais qui dispose de 7 voix. Mais c’est en fait le seul auquel elle participe9. Les Verts sont en baisse, après leur éviction des gouvernements irlandais et letton, atténuée par leur entrée au gouvernement danois. Au total, les gouvernements dont ils sont membres pèsent pour 14 voix, contre 18 précédemment. Les socialistes sont partenaires minoritaires de gouvernements pesant 36 voix, soit une proportion assez faible. Plus encore qu’il y a un an, ils sont largement devancés, selon ce critère, par les libéraux et démocrates, qui participent à des gouvernements pesant un total de 116 voix (33,6%), un chiffre qui tend à augmenter. Encore cela doit-il beaucoup à la participation à des exécutifs que les libéraux dirigeaient avant les dernières élections (Finlande, Danemark).

En s’intéressant pour chaque parti au nombre total de gouvernements qu’ils dirigent et auquels ils participent, on arrive aux totaux suivants : 260 voix pour le PPE (75,4%) ; 133 pour l’ADLE (38,6%) ; 65 voix pour le PSE (18,8%) ; 45 voix pour ECR et pour les « non-déterminés » (13%) ; 14 voix pour les Verts (4,1%) ; et 11 voix pour la GUE (3,2%).

Une problématique paneuropéenne : le sens d’une famille politique

À quelques exceptions près, les sociaux-démocrates européens sont confrontés à une évolution très homogène et très négative de leur influence dans les pays de l’Union européenne, ainsi qu’au sein des institutions de l’Union. Encore les exceptions sont-elles à surveiller avec attention car potentiellement trompeuses. En 2009-2010, la plus notable d’entre elles était le triomphe du PASOK grec, lequel a déjà dû rendre le pouvoir à une équipe à direction technocratique, s’étant retrouvé dans une situation où toute gestion politique de la crise devenait impossible. En 2011, le succès du Labour irlandais a eu lieu dans des conditions économiques assez comparables : le rejet massif d’un gouvernement de droite jugé responsable de la situation du pays. Dans les deux cas, les socialistes aux responsabilités n’en obtiennent pas pour autant de marge de manœuvre leur permettant de mettre en œuvre un programme politique alternatif.

Comment interpréter cette impuissance à renverser la tendance électorale, parallèle à l’impuissance des rares dirigeants de gauche encore au pouvoir, isolés, à mener des politiques différentes ? Dans notre article publié en décembre 2010, nous déplorions que, deux générations après le traité de Rome, les responsables politiques, les administrations nationales et les médias persistent à reproduire, de décennie en décennie, les seules règles du jeu de l’arène politique nationale. Pour élaborer leurs programmes et leurs solutions, mais aussi pour les expliquer, pour les défendre et pour faire campagne.

Cette situation était déjà une des raisons majeures de la crise institutionnelle d’une Union dans laquelle on persiste à présenter aux citoyens une représentation du monde politique ne rendant pas compte de ce que leur gouvernement, leurs législateurs, sont aussi la Commission européenne, le Parlement européen et le Conseil.

Avec la crise, ce handicap de l’Union européenne et cette défaillance de ses élites se sont transformés en un poison mortel pour les gauches du continent. S’il y a une chose que les citoyens européens perçoivent, c’est bien que la crise de l’Euro et les attaques des marchés ne sont pas des problèmes à dimension nationale, mais à dimension européenne et mondiale. Dans quasiment tous les pays, les gouvernements de droite en place adoptent le masque de la responsabilité pour céder avec servilité aux chantages des bourses et des agences de notation. Le même masque de responsabilité habille de respectabilité des décisions politiques fondamentales pour l’Union, adoptées sans laisser d’espace à de possibles débats contradictoires. Car, sous la direction d’Angela Merkel et avec l’aide subalterne de Nicolas Sarkozy et d’autres dirigeants, la droite européenne nous engage dans une voie bien précise. En décembre 2011, celle-ci semble être un directoire des grands Etats, décidé à sanctuariser les politiques économiques et sociales les plus conservatrices, réputées nécessaires et inévitables. Intergouvernementale et en dehors des institutions pré-fédérales de l’Union, cette voie est en outre, à juste titre, vécue comme antidémocratique par des couches entières de la population dans les pays victimes de la crise.

Dans le même temps, un nombre croissant de mouvements d’extrême-droite tentent de prospérer grâce aux peurs et au désespoir, demandant la protection par la fermeture des vieilles nations face à tout élément considéré comme étranger.

Si elles ne peuvent pas proposer de réponse à la dimension géographique et historique des problèmes, les gauches ne pourront pas retrouver de crédibilité. Leur rôle est difficile, car elles doivent se forcer à aller de l’avant ensemble, à innover. Mais qu’appelons-nous innover ? Il ne s’agit pas de réinventer un programme économique et social nouveau, comme le soutenaient il y a dix ans les défenseurs de la « troisième voie ». Les principes qui animaient les socialistes et sociaux-démocrates en 1945 puis pendant les années de croissance sont toujours valides. Plus que jamais. L’innovation fondamentale se situe à un autre niveau : il faut trouver le moyen de mener les politiques de la gauche dans un environnement institutionnel transformé, où les pouvoirs économiques et les instances régulatrices ont totalement dépassé les frontières des États. Contrôler les premiers, renforcer les secondes, rien de tout cela ne peut être fait à partir d’un des petits pays qui composent l’Europe.

Isolés dans le cadre national, que peuvent faire les partis membres du PSE, sinon hésiter entre le discours de la responsabilité sans marge de manœuvre, et celui de la résistance impuissante, destiné à se fracasser sur les réalités de l’économie ouverte ? Dans le premier cas, la faible différence avec la droite de gouvernement ne justifie plus l’alternance. Dans le second cas, les socialistes, pro-européens et internationalistes, ne sont pas crédibles s’ils parlent dans la seule arène nationale, et il est facile à l’extrême-droite de souligner qu’ils représentent, plus que tout autre parti, l’ouverture à ce monde aujourd’hui si menaçant. Quand bien même la gauche réussirait à gagner telle ou telle élection nationale, elle ne pourrait rien en faire dans un seul pays.

C’est tout le sens de l’enjeu défini récemment par EuroCité dans un article intitulé « Vers la constitution d’un système partisan européen ?  »10. Il est urgent qu’au sein des partis sociaux-démocrates s’impose l’évidence selon laquelle le travailleur néerlandais est semblable au travailleur portugais, le chômeur espagnol au chômeur suédois, et que leur destin économique, social et politique est déterminé par des décisions qui n’opposent pas des pays économiquement vertueux à des États réputés peu fiables, mais bien des intérêts économiques qui se jouent des frontières. Il est urgent que ces partis parlent ensemble, montrent aux Européens qu’ils sont prêts à agir ensemble.

C’est encore loin d’être le cas. Pourtant, qu’elle en soit consciente ou pas, la gauche est acculée. Aujourd’hui marginalisée, que peut-elle faire d’autre ?

Notes

1 – Joël Le Deroff, Chronique des élections législatives européennes (2009-2010). Le glissement continu à droite, EuroCité, 9 octobre 2010.

2 – La Constitution chypriote est celle d’un régime présidentiel où le gouvernement n’est pas responsable devant le Parlement, mais seulement nommé par le Président de la République. Contrairement à un raccourci commun, la France n’est vraiment un régime présidentiel, même si la pratique et l’harmonisation de la durée des mandats des députés et du Président de la République en font un cas nettement ambigu. Le gouvernement reste cependant responsable devant le Parlement et une hypothétique dissolution remettrait en cause le couplage des élections de l’Assemblée et du Président.

3 – Bien que le niveau des dettes publiques soit plutôt globalement à la hausse, la dette publique espagnole reste proche des critères de Maastricht et en proportion largement inférieure à la dette française ou allemande. La dette italienne, plus élevée, n’est pas différente de l’époque où ce pays s’est qualifié pour l’euro. Plus généralement, et même si l’augmentation de la dette est en elle-même préoccupante, il n’existe pas de raison rationnelle pour que des niveaux de dette qui ne provoquaient pas de réaction particulière des marchés avant la crise de 2008 paraissent soudainement totalement insoutenables.

4 – Le Portugal et la Lettonie ont été appelés à voter deux fois, en raison d’élections anticipées dont le déclenchement est lié à la crise.

5 – Cf. Joël Le Deroff, Élections législatives espagnoles de novembre 2011 : derrière le cataclysme, les évolutions et les perspectives, EuroCité, 6 décembre 2011.

6 – Ces partis régionalistes sont parfois puissants dans leur région, comme en Catalogne et eu Pays Basque où ils arrivent même en tête. En revanche, ils ne représentent pas de grands groupes au Parlement de Madrid.

7- Il s’agit d’un mécanisme de dissolution propre à la Constitution lettonne, qui demande le cumul d’une initiative présidentielle et d’un vote populaire. En l’espèce, celui-ci fut massif, avec 94,3% de oui à la dissolution.

8 – Dans certains cas comme la Belgique, où les coalitions se comportent d’un nombre important de partis, cette remarque doit cependant être relativisée.

9 – Au Danemark, le parti membre de la GUE soutient le gouvernement sans y participer.

10 – Nicolas Leron et Barbara Revelli, « Vers la constitution d’un espace partisan européen ? », Le Monde.fr, 6 décembre 2011.

 

Annexe : résultats des partis membres du PSE aux élections législatives nationales (juin 2009 – fin 2011)

 

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(Illustration photo : The Prime Minister’s Office / Flickr.com / Licence Creative Commons)

Joël Le Deroff

Co-responsable de EuroCité Bruxelles - Pôle « Analyses électorales » Joël joined ENAR in September 2014. He previously worked for 5 years as Senior Policy & Programmes Officer with ILGA-Europe, the European region of the International Lesbian, Gay, Bisexual, Trans and Intersex Association, where he led advocacy strategies on policies and legislation related to equality, hate crime and asylum at OSCE, Council of Europe, EU and national levels. He also managed projects supporting national and local civil society organisations to build and reinforce their capacities. As an activist, Joël was one of the founders of Rainbow Rose, the network of European lesbian, gay and trans social-democratic activists. From 2006 to 2009, he worked as a civil servant in the French Employment and Social Affairs Ministries. Joël holds a Masters Degree in European Geopolitics and International Economy, as well as a Bachelor in History and Arabic language.