Pour une utopie réaliste. La liberté comme objectif, le collectif comme moyen

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Sophie Heine, chercheuse en théorie politique à Oxford, fait le constat que la gauche continue à être affectée d’un profond déficit de projet. Un projet mobilisateur doit non seulement faire des propositions de réformes crédibles et radicales mais aussi dessiner un horizon utopique.

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Malgré la crise multiforme actuelle, la gauche continue à être affectée d’un profond déficit de projet. Le large soutien populaire requis par une politique réellement progressiste sur le long terme ne peut pourtant résulter que d’un profond travail de reconstruction idéologique. Un projet mobilisateur doit non seulement faire des propositions de réformes crédibles et radicales mais aussi dessiner un horizon utopique. Au-delà des déterminismes économiques de toutes sortes1, il est aujourd’hui essentiel de réaffirmer la liberté des êtres humains de faire leur propre histoire. Cela passe forcément par la lutte politique et par les combats d’idées traversant cette dernière.

Un réalisme de gauche

S’il faut éviter le déterminisme et réhabiliter le pouvoir de l’utopie, il faut le faire sans tomber dans le biais idéaliste, très fréquent à gauche. Au sens classique du terme, l’idéalisme est avant tout une philosophie de l’histoire attribuant aux idées – principes, valeurs, idéaux, croyances – un pouvoir intrinsèque de changement social ou politique2. L’erreur d’une telle approche réside dans le fait d’attribuer aux idées un pouvoir autonome de transformation de la réalité sociale. Or, même les principes et valeurs les plus nobles n’ont pas, par eux-mêmes, un pouvoir magique de changer la société et la politique. Les idées ne constituent un facteur de changement social que quand elles permettent de susciter l’engagement et la mobilisation. Dans une telle perspective, un projet de gauche devrait avant tout viser à renforcer chez les citoyens l’espoir que leur mobilisation débouchera sur des changements améliorant leur existence. La relative autonomie dont jouissent les facteurs idéels ne change rien à ce constat : les combats d’idées qui ont un impact historique sont toujours en même temps des luttes d’intérêts. Si les idées dominantes tendent en général à justifier, occulter ou renforcer les rapports de domination, les alternatives doivent, au contraire, susciter le soutien d’une part significative des dominés pour pouvoir générer des progrès3.

L’idéalisme devrait aussi être évité quand on s’attelle à élaborer un nouveau projet mobilisateur. Il s’agit de dépasser la dichotomie simpliste entre des réalistes défendant les privilèges et les rapports de pouvoir existants et des idéalistes favorables à une société plus juste4. À cet égard, la gageure consiste à combiner une approche réaliste du changement social et politique avec le maintien de la justice comme objectif. Plus précisément, un tel réalisme de gauche consiste non seulement à souligner l’importance des luttes d’intérêt dans les changements historiques mais aussi à accepter les tendances égoïstes des comportements humains. Au contraire, fonder un projet de société ou une utopie de long terme sur une morale de type altruiste se définissant par des principes tels que la solidarité, la coopération, la générosité ou l’entraide découlerait d’une vision totalement utopiste de la nature humaine5. Être réaliste et progressiste suppose de ne pas percevoir l’égoïsme naturel des êtres humains comme un obstacle irrémédiable à l’amélioration de la société ou comme un argument justifiant le statu quo mais d’en faire plutôt le moteur de la lutte contre les injustices.

Réhabiliter l’intérêt individuel

Il serait donc salutaire que la gauche redonne toute sa place à l’intérêt individuel. Loin d’être intrinsèquement conservatrices, les notions d’intérêt et d’individu devraient être intégrées dans un projet explicitement progressiste visant un « réformisme radical »6. Assez indifférents aux discours grandiloquents sur l’altruisme, les citoyens souhaitent en effet que la politique reflète avant tout leurs préoccupations : vivre comme ils l’entendent et pouvoir réaliser leurs besoins et rêves personnels. Réhabiliter l’intérêt individuel revient à faire de l’égoïsme des êtres humains un élément fondamental de la politique. Si l’altruisme est une donnée naturelle du comportement humain, c’est avant tout l’intérêt bien compris qui semble prévaloir dans les actions collectives. Faut-il dès lors applaudir la « gauche de la gauche » quand elle lance des appels emphatiques au prolétariat, aux couches populaires ou au peuple ? De telles envolées ont le mérite d’insister sur la dimension nécessairement collective de l’action pour rendre la société plus juste. Mais une rhétorique mettant l’emphase exclusivement sur l’intérêt collectif passe à côté de ce qui devrait constituer le véritable objectif de l’action sociale et politique, à savoir la réalisation des aspirations de chacun. Placer l’intérêt individuel au cœur d’un projet de gauche impose dès lors de rompre tant avec les discours focalisés sur l’altruisme qu’avec ceux qui n’évoquent que des collectifs impersonnels. C’est seulement si elle se montre à l’écoute des attentes les plus ordinaires des citoyens que la gauche parviendra à ressusciter le soutien populaire de long terme dont elle a besoin pour être en mesure d’apporter des réponses réellement progressistes à la crise. Sans mobilisations sociales et politiques, elle ne peut en effet espérer accroître de façon durable ni son poids électoral, ni sa légitimité.

Évitons cependant tout malentendu : une appréhension progressiste de l’individu suppose de percevoir ce dernier comme la fin de l’action collective plutôt que comme son principe de fonctionnement. Expliquer la société par l’addition des actes individuels risque en effet de déboucher soit sur la défense du statu quo soit sur des actions caritatives peu aptes à transformer le réel. Une telle perspective « individualiste méthodologique »7 prévaut non seulement dans l’économie dominante mais aussi dans certaines approches de gauche. Elle ne permet absolument pas de remettre en question les rapports de domination existants. La lutte contre les injustices ne peut se faire à un niveau micro-sociologique uniquement. Par conséquent, faire appel à l’intérêt individuel doit avant tout permettre de susciter l’implication collective indispensable à l’affaiblissement des structures oppressives. En d’autres termes, c’est la prise de conscience de leur intérêt par les individus plutôt que leur action isolée qui constitue un moyen d’action essentiel.

L’égoïsme comme moteur du progrès

Dissipons une seconde équivoque potentielle : l’importance de l’intérêt individuel comme moteur de l’engagement revient moins à nier l’altruisme dans les comportements humains qu’à en relativiser la portée politique. Si l’altruisme est tout aussi naturel que l’égoïsme, il se déploie plus aisément dans les rapports de proximité8, tandis que les actions collectives, qui impliquent des rapports plus lointains et impersonnels, semblent avoir pour ressort des motifs plus égoïstes. Par ailleurs, il est nécessaire de clarifier la notion d’intérêt individuel pour éviter un autre malentendu récurrent : l’intérêt ne peut être appréhendé seulement dans ses dimensions matérielles. Étant donné son héritage marxiste, la gauche a en effet trop longtemps interprété l’intérêt de façon non seulement collective mais aussi matérialiste. Pourtant, l’intérêt ne renvoie pas seulement aux besoins matériels mais aussi à d’autres préoccupations telles que la culture, la reconnaissance sociale, l’identité, le respect, la dignité ou l’égalité de traitement9. Ne pouvant être déterminé a priori et une fois pour toutes, le contenu de l’intérêt devrait être défini et redéfini par les individus eux-mêmes. Si j’insiste sur l’importance de l’intérêt c’est donc avant tout pour souligner l’importance de l’égoïsme comme mécanisme sous-jacent à l’implication collective plutôt que pour mettre en avant un type de besoin particulier. Une interprétation large de l’intérêt individuel permet, en outre, de rassembler des révoltes en apparence distinctes comme celle des travailleurs, des femmes, des homosexuels ou des minorités culturelles. Les individus appartenant à ces divers groupes partagent de fait un même intérêt à se libérer des injustices qui les affectent. Et il incombe aux organisations progressistes de clarifier le fait que ces différentes injustices constituent autant de dominations contraires à la liberté10.

Une société de liberté

Un projet visant à satisfaire l’intérêt de chacun devrait donc tracer la perspective d’une société dans laquelle les rapports de domination auraient, sinon disparu, du moins fortement diminué. Il s’agit, autrement dit, de revendiquer une société de liberté11. La plupart des individus aspirent aujourd’hui à pouvoir se libérer des chaînes qui entravent leurs rêves, leurs besoins et leur potentiel. Ils désirent être libres, plutôt qu’opprimés et dominés. En plus d’être un magnifique idéal, la liberté renferme donc un énorme potentiel de mobilisation. Bien sûr, il est impératif de se démarquer des discours conservateurs qui prétendent que la liberté existerait déjà, grâce à la société de consommation, au capitalisme ou à l’économie de marché12. Vouloir la liberté pour chacun commande, au contraire, de dévoiler et de contester les multiples rapports de domination affectant de nos jours l’existence des individus. Les inégalités sociales, l’absence de pouvoir politique effectif ainsi que les inégalités et discriminations liées au sexe, à l’orientation sexuelle, à la culture ou à la religion constituent autant de chaînes qui nous empêchent de vivre comme on le souhaiterait. Un projet fondé sur la liberté est donc autant contestataire que positif et constructif : il vise à insuffler l’espoir d’une société où chacun pourrait développer ses projets et aspirations, de la manière la plus émancipée possible13.

Une approche ouverte de la liberté

La liberté, telle que je l’entends, s’écarte de toutes les définitions fermées de ce principe. Avancer la liberté comme idéal impose de ne pas statuer a priori sur la manière dont chacun, s’il en avait les moyens, définirait et mettrait en œuvre sa conception du bien. Je m’oppose donc clairement aux visions idéalistes et perfectionnistes. Celles-ci estiment que certaines façons de vivre ou de penser sont intrinsèquement meilleures et doivent donc être activement encouragées, si nécessaire par les pouvoirs publics14. Par exemple, les conceptions centrées sur l’altruisme partent du postulat qu’il est à la fois possible et souhaitable de renforcer chez les citoyens le souci d’autrui. Dans cette optique, les projets politiques prônés peuvent être fondés sur l’empathie, le lien social, une vision particulière des mœurs ou une identité partagée censée étendre à la communauté politique le sentiment de faire partie d’une même grande famille. Je l’ai déjà souligné, de telles perspectives reposent sur une perception éminemment irréaliste de la nature humaine qui ne prend pas suffisamment en compte ses penchants égoïstes. De plus, elles comportent le danger « perfectionniste » supplémentaire de réprimer la liberté individuelle au nom d’un prétendu bien commun supérieur.

L’insistance sur une identité commune, même dotée d’un contenu progressiste, peut quant à elle déboucher sur des risques typiquement communautariens15 : d’une part, en favorisant la construction d’un « nous » valorisé face à des « eux » dénigrés16 ; d’autre part, en occultant les divergences et contradictions internes aux communautés concernées17. Ces deux processus limitent la construction d’alliances au-delà des clivages identitaires. Ils peuvent aussi se révéler contraires à l’objectif de liberté individuelle en faisant primer un intérêt collectif imaginaire sur ceux des membres individuels du groupe. Par conséquent, au lieu de fonder l’engagement ou les institutions sur un sentiment d’appartenance commun, il faut plutôt garantir qu’elles rencontrent les intérêts de chacun à être libres. Une acception ouverte de la liberté renvoie à une situation dans laquelle on possède les moyens de définir et de vivre sa propre conception du bien. Si le caractère ouvert d’une telle définition s’oppose aux approches valorisant le lien social comme un bien en soi, elle se démarque tout autant des perspectives utilitaristes mettant en avant la recherche du bonheur et du plaisir comme un bien en soi18.

L’action collective comme moyen

Si la liberté individuelle devrait constituer la fin du politique, l’action collective est indispensable pour mettre en place les conditions de sa réalisation. Outre l’engagement et la mobilisation, une action spécifiquement politique est nécessaire pour orienter le réel vers plus de justice. L’action collective en faveur de la liberté peut se faire par les associations, tant que celles-ci reflètent bien les intérêts de leurs membres. Cela exige une véritable démocratie interne aux organisations qui laisse cependant toute sa place à la diversité autant dans le type que dans le degré d’engagement. La délégation et la représentation sont donc ici préférables à une démocratie directe idéalisée. Mais garantir une liberté effective pour tous exige d’abord et avant tout un regain d’intervention publique, seule capable de mettre en œuvre des mesures favorables à la liberté réelle. Pour supprimer les rapports de domination et mettre en œuvre les conditions de la liberté, renforcer la souveraineté est donc un impératif urgent19. Cela suppose de faire des choix importants quant au niveau de pouvoir auquel cette souveraineté réhabilitée devrait se déployer. Toutefois, la liberté devrait être la fin et la politique demeurer son instrument20. Cette approche instrumentale du politique s’oppose à la valorisation de la participation démocratique comme un bien en soi, qui constitue une tendance fréquente dans les milieux progressistes21. La démocratie représentative, à condition qu’elle soit effective, est ici plus souhaitable que des formes de participation directes qui ne tiennent pas compte de la pluralité des préférences. Une approche de la démocratie conforme à l’objectif de liberté suppose en effet de laisser à chacun la possibilité de déterminer les modalités et l’intensité de son implication dans la vie politique.

Une souveraineté non identitaire

Appréhender l’action politique souveraine comme instrument – quel que soit le niveau de pouvoir auquel elle se déploie – suppose également de refuser les visions patriotiques et europatriotiques et le lien étroit qu’elles établissent entre politique et identité. Les dangers communautariens évoqués plus haut ne caractérisent, en effet, pas seulement le nationalisme classique. Ainsi, le « patriotisme constitutionnel » prôné par le philosophe Jürgen Habermas comme une forme nouvelle, post-nationale d’appartenance, a fini par reproduire plusieurs traits du patriotisme classique22. Il serait, au contraire, salutaire de retrouver l’impulsion initiale de la perspective post-nationale initiée par le penseur allemand. Celle-ci visait à insister sur le caractère historique et contingent du lien entre identité nationale et citoyenneté démocratique. Une perspective cosmopolite renouvelée devrait pousser cette dissociation jusqu’au bout et faire en sorte que la politique se fonde sur la réalisation des intérêts des citoyens plutôt que sur une identité ou une conception particulière du bien23. Dans cette optique, les identités – culturelles, religieuses, régionales ou nationales – peuvent très bien subsister et prospérer. Simplement, leur poids politique devrait être relativisé. Plutôt que de constituer des facteurs légitimant ou justifiant l’action politique, elles devraient plutôt découler d’une application réelle du principe de liberté individuelle24.

Notes

1 – Ernesto Laclau et Chantal Mouffe sont parmi les premiers intellectuels à avoir clarifié l’importance pour la gauche de dépasser son héritage déterministe et matérialiste. Cf. Hegemony and Socialist Strategy. Towards a Radical Democratic Politics, London-New York, Verso, 2001 [1st Edition: 1985], p 74-78. Toutefois, il est tout aussi essentiel de dépasser le déterminisme économique caractéristique de la pensée néolibérale.

2 – Sophie Heine, « Quel renouvellement possible de l’articulation entre matérialisme et idéalisme ? », Mouvements, n° 65, Janvier-Mars 2011 ; Sophie Heine, « Social Change in Progressive Political Thought: How to Avoid Determinism Without Falling into the Idealist Trap? », Journal of Political Ideologies (à paraître).

3 – François Ricci, Gramsci dans le texte, Paris, Éditions sociales, 1977, p. 193 et p. 208.

4 – William A. Galston, « Realism in political theory », European Journal of Political Theory, 2010, vol. 9, p. 385.

5 – Voir entre autres Jacques Généreux, Le socialisme néo-moderne ou l’avenir de la liberté, Paris, Seuil, 2009 ; Vincent Peillon, La Révolution française n’est pas terminée, Paris, Seuil, 2008 ; Raffaele Simone, Le monstre doux. L’Occident vire-t-il à droite ?, Gallimard, 2010 [2008] ; Christophe Prochasson, La gauche est-elle morale ?, Flammarion, Paris, 2010 ; Christian Arnsperger, Critique de l’existence capitaliste. Pour une éthique existentielle de l’économie, Paris, Éditions du Cerf, 2005 ; Gerald Alan Cohen, Why Not Socialism?, Princeton and Oxford, Princeton University Press, 2009 ; Susan Neiman, Moral Clarity: A Guide for Grown-up Idealists, London, Bodley Head, 2009 ; Simon Critchley, Infinitely Demanding: Ethics of Commitment, Politics of Resistance, London-New York, Verso, 2007.

6 – Sophie Heine, Oser penser à gauche. Pour un réformisme radical, Bruxelles, Éditions Aden, 2010.

7 – Bernard Guerrien, La théorie néoclassique, Paris,  Economica, 1989.

8 – De nombreuses recherches soutiennent même que l’altruisme au sein de la famille, dans les rapports de réciprocité et dans les relations amoureuses aurait joué un rôle positif dans l’évolution : William Donald Hamilton,  « The General Evolution of Social Behavior », Journal of Theoretical Biology, vol. 7 (1), 1964 ; B. H. Raven, « A Power/Interaction Model of Interpersonal Influence », Journal of Social Behavior and Personality, vol. 7, 1992 ; Geoffrey F. Miller, « Sexual Selection for Moral Virtues », Quarterly Review of Biology, 82 (2), 2007.

9 – Ronald Inglehart, The Silent Revolution: Changing Values and Political Styles among Western Publics, Princeton, Princeton University Press, 1977.

10 – E. O. Wright, Envisioning Real Utopias, London, Verso, 2010, p 176-178. L’école post-structuraliste incarnée par Laclau et Mouffe a été la première à clarifier théoriquement la diversité des mouvements pour l’émancipation à partir des années 1979. Toutefois, elle a trop négligé l’importance de rassembler ces derniers autour d’une idéologie commune, par peur que cela conduise à réprimer les singularités identitaires de ces différents mouvements (Laclau et Mouffe, op. cit., p. 179-180). Au lieu d’assimiler les luttes sociales et politiques à des combats identitaires dont il s’agirait de préserver la spécificité, il est essentiel de réhabiliter l’objectif, typiquement gramscien, de reconstituer un projet politique rassembleur (Heine, op. cit., 2011).

11 – Ma vision de la liberté est donc plus positive, plus ouverte et plus libérale que la interprétation de ce terme par l’école néo-républicaine. Celle-ci définit la liberté avant tout comme « non domination », ce qui revient à l’appréhender surtout de façon critique. Par ailleurs, les penseurs appartenant à ce courant continuent à valoriser une certaine vertu civique dans leur projet de liberté comme « non domination ». Ils n’échappent, dès lors, pas totalement au risque de perfectionnisme (pour une définition de ce dernier terme, voir Philippe Pettit, Républicanisme : une théorie de la liberté et du gouvernement, Paris, Gallimard, 1997, p. 328-329, p. 348).

12 – Pour deux classiques dans ce genre d’argumentation, voir Ayan Rand, The Virtue of Selfishness, New York, Signet, 1964 ; Friedrich Hayek, The Constitution of Liberty, Chicago, University Of Chicago Press, 1978.

13 – Je développe davantage ce propos sur la liberté dans un ouvrage à paraître aux Éditions Lattès : Oser la liberté. L’individu comme objectif, le collectif comme moyen.

14 – George Sher, Beyond Neutrality: Perfectionism and Politics, Cambridge, Cambridge University Press, 1997.

15 – Souvent les approches de gauche, qui mettent en avant l’importance d’étendre les comportements altruistes, coopératifs ou empathiques à grande échelle, perçoivent le partage d’une identité collective comme un moyen de réaliser cet objectif. Cette double tendance – à l’idéalisme et au communautarisme national – caractérise la social-démocratie depuis longtemps. Voir par exemple Jean Jaurès, « L’idée de patrie », L’Armée Nouvelle, in Jean Jaurès, Pages choisies, F. Rieder et Cie Éditeurs, Paris, 1922, p. 443-446 ; Eduard Bernstein, The Preconditions of Socialism, Cambridge, Cambridge University Press, 1993, [1899]. Sheri Berman définit ainsi la social-démocratie comme un courant qui constituait à l’origine un socialisme non marxiste ayant vocation à affirmer, dans une veine polanyienne, le rôle du politique contre les marchés, mais aussi doté d’une vision intrinsèquement communautarienne (Sheri Berman, The Primacy of Politics, Social Democracy and the Making of Europe’s Twentieth Century, Cambridge, Cambridge University Press, 2006, p. 17).

16 – Maria Sanchez-Manza et Laurent Licata (dir.), L’Autre. Regards psychosociaux, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 2005.

17 – Karl Marx and Friedrich Engels, Selected Correspondence, Progress Publishers, Moscou, 1965.

18 – John Stuart Mill a remarquablement résumé cette approche dans John Stuart Mill, « Utilitarianism », in On Liberty and Other Essays, Oxford, Oxford University Press, 2008 (1869), p. 137-138. Cette vision imprègne une grande partie de la littérature actuelle sur le bonheur ou le bien-être. Cette littérature perçoit ces derniers comme étant nécessairement les buts principaux de la vie. Voir par exemple : Tal Ben Shahar, L’apprentissage du bonheur : Principes, préceptes et rituels pour être heureux, Pocket Evolution, 2009 ; Sonia Lyubomirski, Comment être heureux… et le rester, Paris, Flammarion, 2008 ; Yves-Alexandre Thalman, Petit cahier d’exercices d’entraînement au bonheur, Jouvence, 2009 ; Isabelle Filliozat, L’année du bonheur : 365 exercices de vie, jour après jour, Marabout, 2009.

19 – Les mesures macro-économiques hétérodoxes préconisées par les « économistes atterrés » requièrent ainsi clairement un regain de souveraineté économique. Voir le Manifeste des économistes atterrés lancé le 14 septembre 2010 pour réorienter la construction européenne dans un sens plus social et plus favorable à l’économie réelle qu’aux marchés financiers.

20 – Même si je suis en désaccord avec ses recommandations politiques et institutionnelles concrètes, une approche instrumentale du politique a été très bien formulée par le philosophe Philippe Van Parijs dans The Rawls-Machiavelli Programme, ECPR Essays, 2011.

21 – Cette tendance est fréquente autant dans les milieux politiques que dans les sphères intellectuelles. Voir par exemple : Jean-Luc Mélenchon, Qu’ils s’en aillent tous ! Vite, la révolution citoyenne, Paris, Flammarion, Paris, 2010 ; Erik Olin Wright, The Real Utopias Project: Deepening Democracy. Institutional Innovations in Empowered Participatory Governance, London, Verso, 2003.

22 – Justine Lacroix, « Does Europe Need Common Values ? Habermas vs Habermas », European Journal of Political Theory, 2009, vol. 8, p. 141.

23 – Sophie Heine, « Habermas et le Patriotisme constitutionnel », Politique, Septembre-Octobre 2011.

24 – Pour une application de cette vision à la question des débats sur la visibilité de certaines minorités religieuses, voir : Sophie Heine, « Laïcité et visibilité de l’Islam : De l’identité à la liberté », Hommes et Libertés, n°158, Juin 2012.

Sophie Heine

Chercheuse à l'Université Libre de Bruxelles.