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Les 24 et 25 février derniers, les électeurs italiens se sont rendus aux urnes pour les élections législatives. Il s’agissait d’élections cruciales qui tombaient au lendemain de la première réunion de l’Eurogroupe sous la nouvelle présidence de M. Jeroen Dijsselbloem, réunion à l’issue de laquelle le ministre des finances néerlandais a aussi été nommé président du Conseil des gouverneurs du MES (1). Au soir du 25 février, l’Italie, troisième pays exportateur de l’Union européenne, était sous le feu des projecteurs des marchés qui s’interrogeaient sur l’identité du futur Premier ministre italien. Ce nom était très attendu dans le rangs de la famille européenne des socialistes et socio-démocrates ainsi que par une présidence de la République française impatiente de peaufiner sa contre-offensive face à la chancelière Merkel. Et pourtant, le nom attendu n’est pas sorti des urnes ce jour là.
Après deux long mois, le Président de la République italienne, Giorgio Napolitano, au lendemain de sa réélection, a chargé le jeune numéro deux du Partito Democratico (PD), Enrico Letta, de former un gouvernement de coalition nationale (2) avec le Popolo della Libertà (PDL) de Silvio Berlusconi et le Scelta Civica, le parti centriste de Mario Monti. La tâche a été sûrement lourde et doublement douloureuse : la souffrance d’une coalition (celle entre le PD et Sinistra Ecologia e Libertà) et celle du PD, un parti plongé dans une crise profonde et irréversible. Après cinquante-six jours de stagnation, d’hésitations, de votes parlementaires échoués, de fractures dramatiques au sein du PD et de la coalition de centre-gauche, de règlements de comptes via Twitter, la République parlementaire italienne, pour la première fois dans son histoire, a connu la réélection du Président de la République sortant, une réélection qui marque, comme l’a souligné le Président Giorgio Napolitano lui-même lors de son discours de prestation de serment, la lourde défaite politique des partis « traditionnels » qui siègent au Parlement.
Au lendemain du vote des 24 et 25 février 2013, la première photographie du scrutin nous offrait une répartition du Parlement en trois grands tronçons et la scission du pays en deux. D’un côté, un électorat partagé entre ceux qui se sont rendus aux urnes dans l’espoir de pouvoir mettre à l’épreuve d’une lourde tâche gouvernementale un centre-gauche à vocation européenne ; et ceux qui ont été encore une fois de plus séduits par le leader d’une droite qui, en grand communicateur, a su aller droit au cœur des portefeuilles des ses électeurs. De l’autre côté, 25 % des électeurs qui se sont rendus aux urnes ont confié à Beppe Grillo une détresse sociale ainsi qu’une rage contre la politique d’austérité incarnée par les « technocrates », contre la caste des dirigeants de parti et des bureaucrates, contre des syndicats et des médias asservis, selon eux, aux pouvoirs. Le centre-gauche avait gagné mais ne pouvait gouverner seul (3). Berlusconi avait perdu, mais après une remonte électorale extraordinaire demeurait le chef de la droite italienne. Le mouvement de l’humoriste intransigeant Beppe Grillo n’avait pas l’intention de prendre en charge la responsabilité de jouer un rôle parlementaire constructif.
Après un mois et demi de tractations, le chef de la gauche, Pier Luigi Bersani, a échoué à former un gouvernement, faute de majorité et faute de négociations possibles avec le Movimento Cinque Stelle de l’humoriste Beppe Grillo. Dès lors, le projet de gouvernement a pris une orientation très différente (du moins très différente par rapport à celle envisagée et souhaitée par une grande partie de l’électorat de la coalition de centre-gauche et par la base militante du PD). La solution du gouvernement de « coalition nationale » conduit par Enrico Letta est certainement bien différente de celle pour laquelle le PD, deux mois plus tôt, a recueilli le consensus des électeurs. D’où une situation complexe dans laquelle les dirigeants du PD se sont trouvés. D’une part, les groupes parlementaires de la Chambre des députés et du Sénat ont voté la confiance au gouvernement de coalition nationale constitué par le Secrétaire adjoint du PD Enrico Letta. D’autre part, le PD doit également répondre à la confiance accordée par les électeurs lors du scrutin du mois de février ainsi que lors des primaires de coalition du mois d’octobre 2012. Nous voici donc au cœur de la question du rôle des partis dans le cadre d’une démocratie représentative.
Une première réponse a cette question cruciale nous viens de l’intéressante étude proposée par Julien Rabachou qui, dans son essai La démocratie face à l’objection des nécessités techniques (4), repère dans l’ « usage politique de l’imagination » l’enjeu majeur pour nos sociétés. Pour lui, « une réforme de la pratique politique actuelle impliquerait premièrement que l’innovation soit possible au-delà de la soumission aux réalités politiques et économiques ; deuxièmement que les citoyens puissent saisir ces possibilités d’innovation et se prononcer concrètement sur l’évolution du système collectif auquel ils appartiennent ; et troisièmement que les décideurs admettent qu’il est légitime d’user d’imagination. Or les partis de gouvernement semblent craindre l’usage de celle-ci. » (5)
La crise de la représentation politique face à une envie croissante de participation
Pendant soixante jours, Beppe Grillo n’a cessé de répéter à tous ceux parmi ses électeurs qui l’ont invité au dialogue avec le PD : « Ceux qui ont voté pour le Movimento 5 Stelle pour faire un accord de gouvernement avec les vieux partis se sont trompés de vote. Qu’ils votent pour un “parti” la prochaine fois ! » Sa prise de distance vis-à-vis de tout corps intermédiaire a été et continue à être nette. La pratique de l’isolement a été jusqu’ici la seule protection d’un mouvement cultivant le mythe d’une démocratie délibérative qui, pour l’instant, demeure tout de même fortement verticalisée ; autrement dit, une démocratie délibérative exercée sous le contrôle stricte de son leader.
Mais que dire de cet autre mythe, celui de la démocratie participative, nourri et entretenue par le PD qui, pour la désignation de son secrétaire, de son candidat au poste de Premier ministre, de ses candidats maires, de ses candidats aux législatives, etc., s’est doté en l’inscrivant dans ses statuts de l’instrument des primaires citoyennes ? Depuis sa fondation en 2007, le PD a fait preuve d’une véritable tentative de construire la toile du « je » collectif à partir des primaires citoyennes. Pour l’instant, ce pacte de confiance noué entre les électeurs et le parti au fil des années par l’intermédiaire des primaires citoyennes a été « trahi » au nom d’une situation de non gouvernabilité qui a débouché sur la constitution d’un gouvernement de coalition nationale. Mais cette « trahison » a commencé bien avant. Trop souvent, les primaires citoyennes ont servi non pas à définir les contours du programme du parti ; mais à redéfinir les frontières du pouvoir des courants internes au parti. La mission d’ouverture du parti aux citoyens électeurs s’est progressivement transformée en un repliement de la classe dirigeante sur elle-même. Aujourd’hui, cette classe dirigeante est pointé du doigt non seulement par les électeurs mais aussi par une base militante qui l’accuse de ne pas être en phase avec l’exaspération sociale d’une population souffrant, depuis le gouvernement de Mario Monti, des efforts de rigueur nécessaires mais perçus comme excessifs ; et qui, s’ils ont d’un côté permis à l’Italie de réacquérir un pouvoir de négociation en Europe, ont également eu pour effet d’étouffer toute politique de croissance.
Selon un sondage récent de l’institut Demopolis, seuls 24 % des italiens ont confiance dans le Parlement ; d’autre part, la confiance dans les partis politiques n’atteint qu’un malheureux 5 % (6). La sensation qui domine parmi les citoyens et les électeurs est que les élus et les professionnels de la politique, tout parti confondu, négligent les intérêts du pays, du fait qu’ils sont fortement engagés dans la lutte pour la conquête d’un pouvoir personnel, d’abord dans le parti, puis dans l’espace politique. Cette méfiance envers les élus et les dirigeants de parti peut se traduire par une double attitude : l’abstention (7) ou le vote protestataire (8).
Les vingt dernières années de l’histoire électorale italienne ont connu un processus de personnalisation de la politique en raison d’une compétition électorale qui est devenue de plus en plus centrée sur la possibilité pour les électeurs de voter pour des coalitions de parti constituées autour d’un accord électoral sur un programme et sur le nom du prétendant au poste de Premier ministre. Mais cette possibilité de l’électorat de « désigner », dans le cadre de la primaire citoyenne de la coalition électorale, le candidat au poste de Premier ministre s’inscrit tout de même dans le cadre d’un système républicain parlementaire. D’ailleurs, pour la Constitution italienne, c’est le Président de la République qui choisit le Président du Conseil des ministres. Le Chef de l’État tient certes compte du résultat des élections, favorable à tel ou tel autre candidat de parti ou de coalition, choisi dans le cas du centre-gauche par des primaires ouvertes aux citoyens. Mais ce candidat n’étant pas élu directement est désigné par le Président de la République et doit obtenir la confiance du Parlement. En cas de crise du gouvernement, avant de dissoudre les deux chambres et d’organiser de nouvelles élections, il appartient donc au Chef de l’État de vérifier s’il existe une autre majorité au sein du Parlement. C’est bien ce qui s’est passé.
Or, depuis 2005, le centre-gauche italien, pour la sélection de l’aspirant au poste de Premier ministre, a eu recourt au système des primaires ouvertes aux citoyens. Cette méthode a, certes, créé une nouvelle habitude électorale ; mais, dans un contexte de méfiance croissante envers les classes dirigeantes des partis politiques, elle a aussi créé de nouvelles attentes qui ont rapidement débouché sur un véritable débat sur la notion de « participation ». Le système participatif inauguré par Romano Prodi en 2005 (les primaires d’abord et la Fabbrica del programma ensuite) a en partie dépossédé le corps des professionnels de la politique du monopole de la production du programme politique. Aujourd’hui, l’adhésion au PD et à son programme ne se veut plus « anticipée », mais « participée » ; le crédit accordé au professionnels de la politique n’est plus illimité mais limité par une possibilité de contrôle « électoral » sur l’appareil du parti. Désormais, l’ambition de pousser plus loin la « participation » et la « délibération » devient de plus en plus forte. Depuis quelques années, le « champ » (9) politique italien a été témoin de l’entrée d’un nouvel acteur, le Movimento 5 Stelle, qui a défié les partis en leur opposant un modèle délibératif à partir duquel les décisions ont vocation non pas a être prises « pour la collectivité » mais « par la collectivité ».
Les contours du projet « anti-partis » de l’humoriste et blogueur Beppe Grillo
La grande surprise de ces élections législatives italiennes tourmentées des 24 et 25 février 2013 est, sans aucun doute, le score du Movimento 5 Stelle (M5S) (10). Le mouvement guidé par l’humoriste Beppe Grillo (11), fort de ses 25 %, s’est affirmé comme la troisième formation parlementaire, mais aussi comme la première force politique du pays en termes de voix. Contre toute attente, le M5S a obtenu 109 sièges sur 630 à la Chambre des députes et 54 sièges sur 315 au Sénat. Au début de la XVIIe législature de la République italienne, les deux chambres du Parlement ont ouvert leurs portes à 163 parlementaires (109 députés et 54 sénateurs dont la moyenne d’âge est de 31 ans) qui, dans la plus grande majorité des cas, ne s’étaient jamais vus entre eux ni connus auparavant.
Le M5S n’a vu le jour qu’en 2009 et s’est complètement construit à partir de l’ethos prédiscursif (12) de son fondateur et leader, le blogueur Beppe Grillo. Acteur, humoriste, one man show irrévérencieux, Beppe Grillo a mis son blog et ses tournées théâtrales au service des mécontentements les plus variés. D’un côté, le blog (13) organise et gère la « vie militante » du mouvement, la sélection des sujet et des candidats des campagnes électorales, les règles des pratiques délibératives ; de l’autre côté, sur des estrades à ciel ouvert mises en place dans les villes italiennes, Beppe Grillo incarne physiquement les instances du mouvement. Après trois ans de petits et de grands succès électoraux dans le cadre des élections régionales et municipales, l’humoriste italien a décidé de partir à la conquête du Parlement.
Comme toutes les campagnes électorales du M5S, celle des législatives de 2013 s’est rapidement transformée en une tournée théâtrale à ciel ouvert. Intitulée « Tsunami tour », elle a incarné un véritable raz-de-marée avec pour objectif « d’ouvrir le Parlement comme une boîte de thon ». Le canevas du « Tsunami tour » qui, apparemment, découle d’une pratique d’écriture collective dont le support est, depuis 2005, le blog de Beppe Grillo, est en réalité un véritable scénario rédigé sous l’œil vigilant du maître à penser de l’humoriste italien, Gianroberto Casaleggio. Éditeur (14) du blog politique de Beppe Grillo, co-fondateur du M5S, Gianroberto Casaleggio a tout d’une éminence grise qui, très habilement, dirige les « mauvaises humeurs » du peuple italien dans la direction souhaitée : la fin des partis politiques, la fin des corps intermédiaires, la réalisation de la démocratie directe (15). Le fil rouge de tous les discours publics est le mécontentement, la détresse, la rage qui, chaque jour, augmentent face à une crise de la dette publique qui a écrasée la classe moyenne sous le poids des impôts et de la récession. Pour sortir de cette impasse, il n’y a, selon le milliardaire Beppe Grillo, qu’une seule recette possible : sortir de l’Euro, effacer la dette publique, réaliser un programme économique basé sur la décroissance.
Qu’ils s’agisse des arguments contre le gouvernement de coalition nationale dirigé, hier, par le « technocrate européen » Mario Monti (gouvernement soutenu par le PD de Pierluigi Bersani et le Popolo delle Libertà de Silvio Berlusconi) et, aujourd’hui, par le numéro deux du PD Enrico Letta ; des accusations portées contre les élites politiques italiennes et européennes (tout parti politique confondu) ; tous relèvent de la volonté de restituer l’image d’un paysage politique « bipolaire consociatif » qui offre l’apparence d’un choix qui n’en est pas un. « Il n’y a plus de droite ni de gauche ! » s’exclame Beppe Grillo. « Le PD, c’est le PDL sans de “L” ». Un discours qui, du moins du point de vue de la rhétorique, rapproche l’humoriste italien de Marine Le Pen. Le M5S est un mouvement politique transversal de tout point de vue : politique, social, culturel. Du coup, les auditoires visés sont des plus variés : ouvriers, patrons de PME, déçus de la droite, déçus de la gauche, professions libérales, enseignants, étudiants, jeunes surdiplômés au chômage, retraités, mouvements extra-parlementaires d’extrême droite. Les arguments de Beppe Grillo font appel à des croyances partagées par un auditoire transversal qui se reconnaît dans l’idée qui est au cœur de la course électorale de l’humoriste italien : « chasser les partis du Parlement ».
Quelle renaissance pour le Partito Democratico ?
La stratégie anti-partis de Beppe Grillo a obtenu un premier résultat : mettre au grand jour le manque de cohésion au sein du PD et de la coalition de centre-gauche (16). Mission accomplie : le Premier secrétaire du PD, Pierluigi Bersani, n’est pas parvenu à souder ses troupes parlementaires autour de deux candidats du parti à la Présidence de la République : Franco Marini d’abord et Romani Prodi ensuite. Le moment du vote venu, le groupe parlementaire s’est déchiré et le parti a sombré dans une incertitude annoncée depuis longtemps. Dès lors, pendant que Beppe Grillo et son mouvement clamaient « L’État c’est nous ! La société civile c’est nous ! », Pierluigi Bersani n’a plus réussi à gouverner un parti dont la construction a reposé jusqu’ici sur les équilibres fragiles des rapports de force entre plusieurs courants ainsi qu’entre la culture de la démocratie représentative classique et la culture du respect des instances d’une base militante et d’électeurs qui, en fil direct avec leurs élus, entrent dans l’hémicycle du Parlement via les blogs et les réseaux sociaux des députés et des sénateurs.
Il y a trois ans, EuroCité publiait un long article sur le rôle des primaires dans la construction de la première entreprise politique du centre-gauche italien. L’ambition était de répondre à une question cruciale : dans le contexte social et dans le cadre institutionnel italien, les élections primaires représentent-elles une illusion démocratique ou une révolution politique ? (17) La naissance du PD a, sans aucun doute, constitué un cap fondamental pour le centre-gauche italien : établir un nouveau modèle de militantisme et de participation politique qui repose sur l’instrument des primaires citoyennes. L’expérience des primaires, inaugurées en octobre 2005 par Romano Prodi, ne remet donc pas en cause l’instrument, mais l’usage opaque qu’il en a été fait et les conséquences qui en ont découlées.
Lors de la fondation du PD, la fonction des primaires était de légitimer la naissance d’une nouvelle entité politique qui ne devait pas être le simple aboutissement de la fusion de deux partis alliés : les Democratici di Sinistra et la Margherita. Ce processus de légitimation devait passer par l’élection, dans le cadre de primaires citoyennes, d’une classe dirigeante issue de deux traditions politiques, et par d’autres expériences associatives ; une classe dirigeante ayant pour rôle de tisser un nouveau lien culturel et intergénérationnel, de guider la naissance d’un grand parti de gauche à la double vocation gouvernementale et européenne. En 2007, cette pratique a représenté une vraie révolution dans la vie des partis de l’Europe continentale. La notion de parti ouvert aux citoyens avait investi les électeurs du rôle de fédérateurs entre les différentes traditions politiques et sociales dont le PD se voulait le creuset. Cette vocation des primaires à rendre moins nettes les frontières entre le mode d’organisation traditionnelle du parti et celle des « mouvements » expliqua leur grand succès auprès d’un électorat dont l’engagement public s’était souvent construit en marge du militantisme politique traditionnel. Les primaires citoyennes, enfin, avaient jeté un pont entre la structure du parti politique et la nébuleuse des associations, des organisations syndicales et professionnelles, des mouvements pacifistes, et des comités municipaux.
Pour l’instant, le mérite des fondateurs du PD a été, sans doute, celui d’avoir conféré aux primaires citoyennes le rôle premier de changer les pratiques de la vie démocratique du pays. Et pourtant, cela n’a pas suffit. Les appareils du parti, d’une part, n’ont pas su donner de la cohérence aux feuilles de route fixées ; et, d’autre part, ont cru que les primaires ouvertes au citoyens, facebook, twitter, les blogs des élus, pouvaient suffir à tisser un lien entre le parti, les militants et les électeurs. Au contraire, cela n’a fait qu’aiguiser l’ambition et la soif de visibilité personnelles, à créer un climat de congrès et de course électorale permanents, à nourrir un débat condamné à ne jamais aboutir à une synthèse programmatique. Les ethos des multiples aspirants candidats à la tête du parti n’ont donc pas contribué a produire une synthèse autour de laquelle fédérer les différents auditoires potentiels du PD.
Nous avons l’ambition de croire et d’espérer que le PD puisse voir le jour lors du congrès du prochain mois d’octobre. La classe dirigeante qui en découlera sera confrontée au défi de la construction de l’identité d’un grand parti de la gauche réformiste européenne. Il ne devrait plus s’agir d’une fusion, mais d’une naissance. D’où la question suivante : mais si le PD est un parti de la gauche réformiste à vocation européenne, pourquoi ne devrait-il devenir un membre à part entière du Parti socialiste européen (PSE) ? Le PD, allié fidèle du PSE, dans le cadre du groupe parlementaire Socialistes & Démocrates a su construire les prémisses d’un élargissement du périmètre politique et de la base électorale de la social-démocratie européenne (18).
Au moment même où la crise de la dette a fortement limité les marges de manœuvre des décideurs publics, le PD, en tant que parti qui est né sous le signe de la participation citoyenne, doit défendre cette participation non seulement sur un plan strictement national mais aussi européen.
Notes
1 – Le Mécanisme européen de stabilité, partie intégrante de la stratégie visant à garantir la stabilité financière de la zone Euro, a été lancé le 8 octobre 2012 au cours de la réunion inaugurale du Conseil des gouverneurs du MES.
2 – Enrico Sama, La « grande coalition » à l’italienne, Fondation Jean-Jaurès, 2 mai 2013.
3 – La coalition de centre gauche menée par Pierluigi Bersani a remporté la majorité absolue des sièges à la Chambre des députés (340 sur 630), mais elle ne dispose que d’une majorité relative au Sénat pour lequel le mode de scrutin est différent (120 sur 315).
4 – Julien Rabachou, La démocratie face à l’objection des nécessités techniques, Fondation Jean-Jaurès, 27 mars 2013.
5 – Ibid.
6 – Istituto Nazionale di Ricerche DEMOPOLIS, Che cosa chiedono gli italiani al nuovo Parlamento.
7 – Le taux de participation aux élections législatives a connu un vrai record en négatif. Jamais dans l’histoire de la République italienne les élections législatives ont connu un taux de participation inferieur à 80 %. Le vote pour la Chambre des députés a connu un taux de participation de 75,17 % (contre 80,50 % en 2008). Le taux de participation du vote pour le Sénat a été de 75,19 % (contre 80,46 % en 2008).
8 – Le Movimento 5 Stelle a atteint le score de 25,55 % à la Chambre des députés et de 23,79 % au Sénat.
9 – Cf. une définition de la théorie du champ de Pierre Bourdieu.
10 – Le Movimento 5 Stelle (Mouvement Cinq Étoiles) est un mouvement politique italien, fondé en 2009, qui, en rupture avec le système des partis politiques traditionnels, se qualifie d’association libre de citoyens. Il est dirigé par son fondateur, l’humoriste Beppe Grillo. Ses militants sont appelés « grillini » ou « activistes 5 étoiles » ; ses parlementaires ne souhaitent être appelé ni « députés » ni « sénateurs » mais simplement « citoyens ».
11 – Beppe Grillo (né à Gênes en 1948) est un humoriste, acteur, blogueur et, désormais, leader politique italien. Depuis la fin des années quatre-vingt-dix, les scénarios de spectacles de théâtre de Beppe Grillo se sont progressivement politisés en devenant des one man show contre contre la corruption, contre les élites politiques, contre les élites économiques, contre les médias, contre la BCE et l’Euro.
12 – En analyse du discours, l’ethos prédiscursif représente l’image que l’auditoire peut se faire du locuteur avant sa prise de parole. Il s’élabore sur la base du rôle que remplit l’orateur dans l’espace social (ses fonctions institutionnelles, son statut et son pouvoir), mais aussi sur la base de la représentation collective ou du stéréotype qui circule sur sa personne. Il précède la prise de parole et en même temps la conditionne partiellement ; il laisse dans le discours des traces tangibles qui sont repérables, tantôt dans des marques linguistiques, tantôt dans la situation d’énonciation qui est au fondement de l’échange.
13 – En 2005, Beppe Grillo a ouvert un blog d’opinions politiques qui est devenu rapidement parmi les 100 blogs les plus visités au monde. En 2009, le blog devient le premier support d’un nouveau mouvement politique, le Movimento 5 Stelle.
14 – Gianroberto Casaleggio fonde en 2004 la Casaleggio Associati.
15 – La fin des partis politique et l’avenir de la démocratie directe sont préconisés dans la vidéo promotionnelle éditée, en 2008, par la Casaleggio Associati.
16 – Sur les primaires de la coalition de centre-gauche, voir Giorgia Castagnoli et Barbara Revelli, Cinq personnages en quête de leader : les primaires du centre-gauche italien.
17 – Barbara Revelli, Les élections primaires : illusion démocratique ou “révolution” politique ? Quelques réflexions à partir du cas italien du Partito Democratico, EuroCité, septembre 2010.
18 – Pour approfondir la question de la stratégie des alliances en Europe, voir Antoine Bargas, La social-démocratie et ses alliés en Europe. Pour un arc démocrate, EuroCité, décembre 2011.
(Illustration photo : Stefano – Stark – Licence Creative Commons)