Élections communales en région de Bruxelles-Capitale. Quelques repères sur le système partisan d’une ville européenne à l’approche des élections d’octobre 2012

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Dans la perspective des élections communales en région Bruxelles-Capitale d’octobre 2012, il est bon de revenir sur les spécificités électorales et partisane de Bruxelles.

L’entité communale en Belgique et à Bruxelles

Compétences des communes

En Belgique comme en France, le niveau de pouvoir le plus proche du citoyen est la commune. Cependant, des différences existent quant aux compétences respectives des communes dans les deux pays. Tout d’abord, le nombre des communes belges est aujourd’hui de 589, suite à une réorganisation intervenue en 1975. En d’autres termes, ce pays de 11 millions d’habitants compte « seulement » deux fois plus de communes que la moyenne des départements français.

Les compétences des communes sont régies par le principe « d’autonomie communale ». Cette autonomie est large, sous la tutelle des autorités supérieures, c’est-à-dire principalement les trois régions fédérées. Il faut noter que les compétences des communes peuvent différer selon les régions, le principe étant qu’elles restent étendues : en effet, le contrôle des autorités de tutelle se limite aux domaines de compétence attribués par la Constitution aux niveaux fédéral, régional et communautaire.1

Dans la région de Bruxelles-Capitale2, les compétences comprennent notamment la liste suivante :

  • L’état civil, la délivrance des permis de conduire sont attribués à la Commune par la législation fédérale ;
  • La gestion du Centre public d’action sociale (CPAS) ainsi qu’une partie de son financement ;
  • La participation au financement des zones de police (il y en a six à Bruxelles pour 19 communes) ;
  • Les règlements communaux concernant la propreté publique, l’urbanisme, les cimetières, les parcs ;
  • L’entretien et la rénovation des espaces publics dont la voirie, les trottoirs, les squares ;
  • Les écoles communales, les crèches, les centres culturels et sportifs ;
  • D’importants domaines de politique sociale : éducateurs de rue, cours du soir, activités pour les seniors…

Le pouvoir municipal est exercé par un Conseil communal élu au scrutin proportionnel de liste, et dont l’exécutif est un Collège composé du bourgmestre (maire) et des échevins (adjoints). Le bourgmestre est nommé par la région après vote du Conseil, ce qui est en principe une formalité.3

Dans le contexte de décentralisation extrême caractéristique de la Belgique, et en particulier à Bruxelles où les communes rassemblent en réalité des quartiers dans le cadre d’une continuité urbaine, les initiatives communales doivent être négociées en permanence avec les communes voisines et avec la région, qui dispose de compétences pour l’aménagement du territoire, y compris dans le cadre de la politique foncière et de l’urbanisme, pour l’environnement, l’économie et l’emploi, les transports, les travaux publics, l’énergie, les relations extérieures… et l’organisation des pouvoirs locaux, c’est-à-dire des communes elles-mêmes !

Les Bruxellois…

S’il n’y a plus de recensement officiel à Bruxelles, voici les indications fournies, en ce qui concerne la répartition de la population entre les différentes communautés, par une étude publiée en septembre 20104 et mesurant les variations démographiques en 2010 :

  • Tout d’abord, la région bruxelloise, bien que déjà particulièrement dense, connaît une tendance à une croissance démographique soutenue. Elle compterait environ 1050000 habitants en 2008, et devrait passer à environ 1,3 million d’ici 2020.
  • Deuxièmement, les belges francophones représentent les deux tiers des habitants, contre à peine plus de 5% pour les belges flamands.
  • Plus du quart de la population est étrangère (28% environ), et c’est cette frange de la population qui tend à croître le plus rapidement (+50% environ d’ici 2020 selon la projection des démographes).
  • Au sein de cette population étrangère, les européens disputent la première place numérique aux non-européens. Ainsi, les deux premières communautés seraient les Français et les Marocains (environ 4% de la population chacune).

Les autorités municipales de Bruxelles, légalement bilingues, doivent donc en fait gérer les services offerts à une véritable mosaïque de populations, parmi lesquelles les employés du secteur international (UE, OTAN…), qui ne parlent pas nécessairement une des langues nationales, ne sont pas les moins exigeants.

Les caractéristiques du système partisan belge à Bruxelles

Acteurs partisans

 Le système partisan qui se trouve confronté à cette réalité sociale est, dans une configuration propre à la capitale, celui qui caractérise l’ensemble du pays. Il est régi à tous les échelons par l’application du scrutin proportionnel de liste. Historiquement, il s’agit d’un système stable où trois partis se répartissent les rôles : chrétiens-démocrates (dominants en Flandre), socialistes (dominants en Wallonie), libéraux (moins importants jusqu’à la fin du XXème siècle, et disposant d’une meilleure implantation à Bruxelles). Ainsi, lors des législatives de 1965, ces trois partis se répartissaient 85% des suffrages.

Depuis les années 1970, ce système a progressivement évolué vers une fragmentation, sous l’effet de plusieurs facteurs :

  • Tout d’abord, les trois grandes familles politiques se sont scindées en deux, avec un parti néerlandophone et un parti francophone pour chacune d’entre elles. Les partis opèrent dans leur communauté linguistique ainsi qu’en région flamande pour les uns, et en région wallonne pour les autres. A Bruxelles la bilingue, ils sont tous représentés.
  • Deuxièmement, de nouvelles familles politiques ont émergé, au premier rang desquelles les écologistes, avec également un parti dans chacune des deux communautés. A noter que les écologistes sont aujourd’hui la seule famille politique à maintenir le principe d’une coordination au niveau national, les deux partis décidant ensemble de participer ou pas aux coalitions.
  • Troisièmement, dans les deux communautés sont apparus des partis voués à la défense de leurs intérêts spécifiques. Du côté flamand, il s’agit des autonomistes de la Volksunie (aujourd’hui disparue), puis des nationalistes d’extrême-droite du Vlaams Blok (aujourd’hui Vlaams Belang), et enfin des nationalistes de droite de la NVA, vainqueurs des élections législatives de 2010. Ce qu’on sait moins, c’est que les francophones, particulièrement à Bruxelles, ont aussi un parti communautariste à l’occasion virulent : les Fédéralistes démocrates francophones (FDF), puissants dans la capitale et sa périphérie. Dans les dernières années, le FDF était intégré au dispositif électoral des libéraux francophones (le Mouvement réformateur MR), dont il s’est séparé suite au soutien de ce parti à la nouvelle réforme de l’Etat négociée en 2011.

Quelles logiques pour la formation de coalitions majoritaires ?

Aujourd’hui, aucun parti ne dispose seul de plus de 18% des sièges au Parlement national. Au niveau régional, les plus gros d’entre eux estiment enregistrer de bons résultats quand ils atteignent 30% des suffrages et des élus. Dans ce contexte, les coalitions au pouvoir, à tous niveaux, sont le résultat de coalitions et de compromis programmatiques. Cela était déjà le cas à l’époque du système strictement tripolaire, mais la complexité du jeu des alliances a bien entendu été décuplée. Désormais, le nombre de partenaires potentiels est plus grand, et il faut souvent plus de deux partis pour former une coalition, comme c’est le cas aujourd’hui au niveau régional et au niveau national (six partis !).

Au niveau communal bruxellois, le poids des personnalités et des sortants ainsi que la pratique consistant à présenter les « Listes du bourgmestre » (LB, coalitions autour du sortant, de son parti, de membres de la société civile et parfois d’autres formations politiques), permet le plus souvent de limiter le caractère composite des coalitions. En revanche, tous les partis ont des alliances variables en fonction des niveaux institutionnels, des conjonctures, des affinités locales et des nécessités numériques. Il ne faut donc pas espérer identifier de politiques d’alliances homogènes déterminant le choix des partenaires à l’échelle du pays, ni de la région. La seule règle appliquée avec constance est l’exclusion des partis d’extrême-droite, au demeurant relativement faibles dans la région capitale.

Pour le reste, la sincérité des acteurs et de leurs choix politiques est à apprécier sur la base des programmes pré-électoraux et des négociations entre groupes politiques au Parlement ou au Conseil communal, à la suite du scrutin.

Parmi les configurations possibles, les majorités suivantes ont été observées au niveau national : chrétiens-démocrates et socialistes des deux communautés en 1995 ; libéraux, socialistes et écologistes des deux communautés en 1999 ; libéraux et socialistes en 2003 ; chrétiens-démocrates et libéraux des deux communautés, avec les socialistes francophones en 2007 ; socialistes, chrétiens-démocrates et libéraux des deux communautés en 2011.

Au niveau régional, la Wallonie et Bruxelles sont dirigées par des coalitions « olivier » : socialistes, chrétiens-démocrates et écologistes francophones, sous direction socialiste. À Bruxelles, cette coalition est complétée par la participation des partis chrétien-démocrate, libéral et écologiste flamand (mais pas socialiste !). Enfin, en Flandre, le gouvernement actuel est dirigé par les chrétiens-démocrates, en coalition avec les socialistes et la NVA.

À noter une spécificité supplémentaire dans le cas bruxellois : au niveau régional, les francophones et les flamands votent dans deux collèges séparés, et un principe de parité s’applique pour la composition du gouvernement. En revanche, au niveau communal, il n’y a pas de collèges électoraux distincts, et la seule obligation est la présence d’un échevin flamand au moins dans l’exécutif municipal. Ainsi, des coalitions électorales peuvent exister entre partis flamands et francophones, par exemple dans le cas de « Listes du bourgmestre ».

Les communes bruxelloises lors des élections communales de 2006

Cette section a pour objectif de fournir quelques repères pour la lecture des résultats des dernières élections communales, en octobre 2006. En fonction de la complexité du jeu partisan et des alliances, il est très délicat d’en faire une lecture globale.

Enjeux électoraux

Dans la plupart des communes, la réélection du bourgmestre sortant, et la question d’éventuels changements d’alliance, était au cœur du jeu politique. Certains cas particuliers méritent d’être cités :

  • À Bruxelles ville, la réélection du maire socialiste Freddy Thielemans était centrale, la ville ayant eu des édiles libéraux dans un passé encore récent. Le score de la présidente du CDH (chrétiens-démocrates francophones), tête de liste, était attendu.
  • Schaerbeek (nord-est), la deuxième commune de la région, a longtemps été un fief des FDF, avec des accents populistes voire xénophobes dans les années 1970-1980. Dominée par les FDF et les Libéraux pendant le mandat 2000-2006, elle est le théâtre de l’affrontement le plus spectaculaire de l’année, la ministre fédérale socialiste Laurette Onkelinks ayant annoncé sa volonté de s’installer dans le fauteuil de bourgmestre, revigorant un PS tombé à 12% des voix lors de la précédente élection.
  • A Anderlecht (sud-ouest), troisième commune de la région, le coude à coude entre libéraux et socialistes était observé, l’enjeu étant notamment le score des premiers (sortants) emmenés par Jacques Simonet, également ancien Ministre-président de la région.
  • A Saint-Gilles (sud), la réélection de la liste du socialiste Charles Picqué était attendue, ainsi que sa capacité à rééditer sa majorité absolue. Charles Picqué est également le Ministre-président de la région.
  • A Ixelles (sud-est), la position du bourgmestre socialiste Willy Decourty, très minoritaire mais cimentant une coalition ayant permis de détrôner les libéraux pourtant largement en tête, était également suivie.
  • D’autres personnalités nationales étaient observées, comme Olivier Maingain, leader des FDF et défenseur intransigeant de la communauté francophone, dans la commune bourgeoise de Woluwe-Saint-Lambert (est), ou encore Armand De Decker, dirigeant libéral à Uccle (commune du sud, également très bourgeoise) et Philippe Moureaux, bourgmestre socialiste sortant de la commune populaire de Molenbeek-Saint-Jean (nord-ouest).

Lecture des résultats

La carte suivante représente les 19 communes de Bruxelles en fonction de la couleur politique du bourgmestre à la suite des élections de 2006. Elle indique également la composition des coalitions communales.

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La première évidence est que les candidats socialistes ou MR/FDF (les deux partis étant en cartel à cette époque dans la plupart des communes) s’imposent à peu près partout au poste de bourgmestre, seule Jette et Berchem-Sainte-Agathe revenant à un autre parti, le CDH. Le PS obtient huit communes et fait réélire ses sortants les plus observés, notamment à Bruxelles, Ixelles et Molenbeek-Saint-Jean. Le MR obtient cinq bourgmestres et le FDF, quatre, avec le maintien des sortants les plus observés, en particulier à Anderlecht, Schaerbeek et Woluwe-Saint-Lambert. La région étant gérée par une coalition à direction PS, excluant les libéraux, on peut lire ces données comme le signe d’une nette bipolarisation où chacun maintient ses positions.

Du point de vue du nombre de suffrage obtenus par les partis, on constate généralement une baisse des suffrages écologistes, il est vrai par rapport à un maximum historique obtenu en 2000. Les listes socialistes obtiennent en moyenne des résultats en hausse légère ou nette, mais sans bouleverser le paysage politique. À Schaerbeek, Laurette Onkelinx fait plus que doubler les voix de son parti avec 25%, mais cela ne suffit pas à lui faire gagner son pari. Le CDH connaît également une hausse générale. Les listes libérales et FDF connaissent des évolutions variables selon la définition de leur périmètre politique, qui change parfois entre 2000 et 2006. Mais dans l’ensemble, leurs positions sont préservées, même s’ils échouent, comme les socialistes, à faire bouger les lignes en leur faveur.

Le jeu des alliances, quant à lui, réserve des surprises. Il permet de relativiser très largement l’idée que Bruxelles serait le terrain d’un affrontement entre un bloc à direction socialiste et un bloc à direction libéral, pour plusieurs raisons :

  • D’une part, plus d’un tiers des communes sont gérées par une coalition socialiste-libérale (Evere, Ixelles, Molenbeek-Saint-Jean, Saint-Gilles) ou libérale-socialiste (Anderlecht, Uccle, Etterbeek où Ecolo est aussi associé au pouvoir). A noter la situation particulière d’Ixelles, où le MR, arrivé en tête, soutien le maintien du bourgmestre sortant PS dans le cadre d’une coalition qui exclut tous les autres partis – notamment Ecolo, pourtant arrivé deuxième devant les socialistes. Résultat d’une difficile négociation ! A Saint-Gilles, le MR est associé au pouvoir alors que le PS dispose d’une majorité absolue. A Molenbeek-Saint-Jean enfin, le MR est choisi comme partenaire de coalition par le PS au détriment des partenaires sortants, pourtant conformes à la majorité régionale « olivier ».
  • D’autre part, le recul des écologistes est suivi de stratégies d’alliances paradoxales par rapport à la coalition régionale PS-CDH-Ecolo. Ecolo ne fait partie que d’une seule majorité à direction socialiste (Forest), alors qu’il est membre de quatre majorités dirigées par le MR ou le FDF (Auderghem, Etterbeek, Schaerbeek et Watermael-Boitsfort). Dans le cas de Schaerbeek, Ecolo permet ainsi au FDF de se maintenir en refusant à Laurette Onkelinx la constitution d’un « olivier » qui n’aurait eu qu’une seule voix de majorité. De plus, à Jette, Ecolo rejoint la majorité à direction CDH en compagnie du MR et du FDF.
  • Quant au CDH, ses relatifs progrès électoraux peinent à se traduire dans la composition des exécutifs. En effet, le parti démocrate-chrétien, outre les deux communes qu’il dirige, n’est plus représenté que dans deux communes à direction socialiste (Bruxelles-ville et Ganshoren) et une commune à direction libérale (Woluwe-Saint-Pierre), soit moins que les écologistes.

Au total, et sous réserve de nombreuses stratégies tenant aux contextes communaux et aux affinités personnelles, il y a donc tout autant cogestion qu’opposition bipolaire entre les deux premières familles politiques de la capitale, qui doivent cependant tenir compte des résultats des autres acteurs en jeu.

Quelques enjeux en octobre 2012

Les élections municipales d’octobre 2012 auront valeur de test à plusieurs égards. Plusieurs variables entrent en ligne de compte dans la région bruxelloise.

Premièrement, les personnalités politiques nationales et locales rechercheront de nouveau une confirmation et une légitimité dans leur ancrage municipal. A ce titre, les scores personnels des grands élus et de certaines listes, dont notamment les Listes des bourgmestres (LB) sortants, seront observés. Quelle que soit leur implantation, plusieurs facteurs représentent des inconnues : la croissance démographique de la ville qui amène de nouveaux électeurs non encore fidélisés, ainsi que la présence de fortes communautés non-belges dont la participation électorale, jusqu’ici faible, est à la fois recherchée et imprévisible. De nouveau, des communes comme Bruxelles-ville, Schaerbeek, Anderlecht, Ixelles, Molenbeek-Saint-Jean, Saint-Gilles, Woluwe-Saint-Lambert, seront sous les feux des projecteurs. Beaucoup des acteurs n’ont pas changé, à l’instar du ministre-président bruxellois, Charles Picqué, en situation de défendre sa courte majorité absolue à Saint-Gilles, où un résident en âge de voter sur deux n’était pas sur les listes aux dernières élections. Les équilibres politiques fragiles de communes comme Anderlecht, Ixelles ou Schaerbeek seront à suivre avec attention.

Deuxièmement, la réaction de l’électorat francophone aux dix premiers mois du « gouvernement papillon » d’Elio di Rupo, qui réunit les trois familles historiques du paysage politique belge dans les deux grandes communautés linguistiques, sera à suivre. Le PS pourrait bien entendu faire les frais de la politique de rigueur que le gouvernement a dû engager sous la pression de la conjoncture et des marchés. L’évolution du CDH, repositionné au centre-gauche depuis plusieurs années, peut également être douloureuse pour les mêmes raisons. Dans ces conditions, le score d’Ecolo, composante de la majorité régionale et bien implanté dans la capitale, mais situé hors de la coalition fédérale, peut être une variable à suivre. Mais un des éléments les plus intéressants, et, au milieu de l’hiver 2012, les plus imprévisibles, sera le résultat de la scission entre MR et FDF, désormais séparés. Notons que le système électoral municipal ne force pas les membres de ces partis, dans les communes où de fortes solidarités existeraient, à se présenter séparément. Malgré tout, les listes communes systématiques ont vécu. Dès lors, le FDF, seule force politique francophone située hors de la coalition fédérale et opposée à la réforme institutionnelle (qu’Ecolo a appuyée), dispose d’un espace politique nouveau où il est le seul acteur majeur. Jusqu’où peut-il croître ? Et dans quelle mesure son score affectera-t-il le résultat du MR ? Enfin, cette situation peut-elle favoriser une première place du PS dans les urnes, même si celui-ci ne dispose pas d’un contexte très favorable et qu’il baisse ? Lors des dernières consultations régionales et législatives en effet, le PS, malgré des résultats très honorables, n’a pas réussi à détrôner les listes MR/FDF, qui occupaient la première place dans la région capitale. Une fois ces listes divisées, qu’en sera-t-il ?

Une indication provisoire des tendances est donnée par le sondage publié par La Libre Belgique le 11 février 20125 : si la première place du PS n’est pas en danger en Belgique francophone, il perd néanmoins plusieurs points depuis les élections fédérales de 2010. À Bruxelles, il pèserait désormais 24,5%. Le MR, seconde force, n’est cependant qu’à 19,3%, alors que le FDF, en forte croissance, atteindrait 11,5%. Ecolo comme le CDH seraient en baisse, avec respectivement 12,7% et 9,6%. Si ces tendances se confirmaient, il sera intéressant de suivre l’évolution de l’équilibre politique municipal entre les municipalités sortantes PS, MR et FDF. Les jeux d’alliance seront certainement déterminants, comme par le passé mais avec de possibles tendances à la recomposition. Des situations délicates pour les sortants MR, comme pour les bourgmestres socialistes qui dépendent d’alliés libéraux.

Troisièmement, un autre indicateur sensible de l’appréciation de la population sur l’accord institutionnel et la politique gouvernementale sera le comportement de l’électorat flamand. Bien qu’il n’existe pas, aux communales, de collège électoral flamand, les partis néerlandophones ont la faculté, s’ils le souhaitent, de présenter des listes séparées. Si la plupart ne le font pas, c’est qu’au niveau municipal bruxellois, la faiblesse numérique de leur électorat ainsi que l’obligation légale pour les exécutifs élus de comporter un échevin néerlandophone se conjuguent pour que les partis des deux communautés constituent des listes communes. Au sein de celles-ci, quelques candidats flamands figurent en bonne place parmi ceux des grands partis francophones. Cependant, il existe des exceptions. En 2000 et 2006, certains partis traditionnels flamands ont obtenu des élus de manière autonome (1 conseiller VLD à Bruxelles-ville, 2 à Evere ; 2 conseiller SP.a à Jette). Mais c’est le Vlaams Belang d’extrême-droite qui a présenté de telles listes le plus fréquemment, obtenant régulièrement quelques points voire quelques conseillers (2 à Bruxelles-ville avec 5,3%, 3 à Anderlecht avec 7,9%, 2 avec 9,3% à Berchem-Sainte-Agathe, 1 à Evere avec 7,5%, 1 à Ganshoren avec 8,4%, 3 à Jette avec 8,9%, ; 1 à Koekelberg avec 7,5%, 2 à Molenbeek-Saint-Jean avec 6,5%). Or depuis 2006, le Vlaams Belang s’est largement effrité, principalement au profit de la NVA qui est elle aussi incompatible avec tous les partis francophones. Par ailleurs, la NVA est également opposée à l’accord institutionnel et au gouvernement fédéral, et elle offre aux électeurs néerlandophones une possibilité d’exprimer leur rejet sans plus voter pour un parti perçu comme d’extrême-droite. Selon le baromètre de La Libre Belgique, elle plafonne à 37% des intentions de vote en Flandre en février 2012, ce qui la place environ 9 points au-dessus du résultat historique des législatives de 2010, où elle était devenue le premier parti du pays. Sur le papier, ses candidats ont donc de quoi forcer l’entrée de la majorité des conseils communaux de la région capitale.

Quatrièmement, les résultats obtenus par les candidats issus de la population résidente non-belge, et en particulier européenne, seront intéressants. Plusieurs listes, dont celles de bourgmestres sortants, sont engagées dans des stratégies de recrutement de candidats issues des communautés résidant en Belgique. L’idée est de permettre d’élire des conseils communaux plus représentatifs de la population de cette ville si internationale. D’une manière plus pragmatique, elle tient aussi compte d’une particularité du système électoral belge. Le scrutin proportionnel ne se fait en effet pas sur la base de listes bloquées. Ainsi, l’électeur peut, sur la liste qu’il choisit, désigner un candidat en particulier. Lors du décompte des voix, les candidats ayant obtenu un bon nombre de voix « personnelles » peuvent donc remonter de plusieurs rangs sur la liste et assurer leur élection ou leur positionnement dans l’espoir d’intégrer l’exécutif (même si ce dernier point n’a rien d’automatique). Pour les partis belges, l’espoir est donc d’inciter les communautés résidentes à voter pour l’un de leurs membres, et donc pour le parti qui le présente. En contrepartie, le candidat concerné est fortement incité à faire campagne pour recueillir les voix convoitées, mais aussi pour mériter, par son score personnel, son positionnement dans l’équipe élue.

Bien entendu, les éléments présentés dans cette section, écrite en février 2012, ne détermineront pas, à eux seuls, les résultats du mois d’octobre. Il n’en demeure pas moins qu’ils sont fermement inscrits, dès à présent, dans le paysage politique de la capitale belge.

Notes

1 – Dans le système belge, les communautés (flamande, française et germanophone) disposent de compétences distinctes des régions.

2 – <http://www.brussel.irisnet.be/a-propos-de-la-region/les-communes-de-la-region-de-bruxelles-capitale/les-communes-de-la-region-de-bruxelles-capitale/que-fait-la-commune>

3 – Sauf en cas de conflit communautaire, dans le cas notamment des communes flamandes à majorité francophone en périphérie de Bruxelles. Ces communes élisant des conseils majoritairement francophones relèvent en effet de la région flamande.

4 – <http://download.saipm.com/pdf/libre/BXL_CHIFFRESd.pdf>

5 – « Baromètre politique : forte poussée des FDF à Bruxelles et en périphérie ! », Fédéralistes Démocrates Francophones, 11 février 2012.

 

Annexe : conseils communaux et majorités sortants

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Joël Le Deroff

Co-responsable de EuroCité Bruxelles - Pôle « Analyses électorales » Joël joined ENAR in September 2014. He previously worked for 5 years as Senior Policy & Programmes Officer with ILGA-Europe, the European region of the International Lesbian, Gay, Bisexual, Trans and Intersex Association, where he led advocacy strategies on policies and legislation related to equality, hate crime and asylum at OSCE, Council of Europe, EU and national levels. He also managed projects supporting national and local civil society organisations to build and reinforce their capacities. As an activist, Joël was one of the founders of Rainbow Rose, the network of European lesbian, gay and trans social-democratic activists. From 2006 to 2009, he worked as a civil servant in the French Employment and Social Affairs Ministries. Joël holds a Masters Degree in European Geopolitics and International Economy, as well as a Bachelor in History and Arabic language.