Barbara Revelli, vice-présidente d’EuroCité, et Massimiliano Picciani, secrétaire du Partito Democratico de Paris et membre d’EuroCité, ont publié une tribune dans le journal italien de gauche L’Unità le 1er décembre 2015. Nous en publions la traduction française.
La menace terroriste et les graves crises que l’Europe a traversées ces dernières années (crise économique, crise sociale, crise humanitaire en Méditerranée) placent l’Europe face à des choix fondamentaux. Ces moments historiques surviennent dans un contexte de grands changements des tissus politique et social. La grave crise financière a entraîné des transformations qui mettent à dure épreuve l’organisation actuelle de l’Union européenne. La perte de confiance croissante des citoyens dans les institutions nationales et européennes a touché des secteurs de plus en plus vastes de la population, provoquant le succès électoral de mouvements et partis politiques populistes, xénophobes et anti-européens.
De nombreux acteurs européens – à commencer par le groupe parlementaire des Socialistes et Démocrates – se consacrent depuis longtemps à l’élaboration et à la promotion de réformes destinées à favoriser la cohésion politique, économique et sociale de l’UE. Les élections européennes de 2014 ont représenté une étape importante dans le parcours difficile de la construction de l’Europe politique : pour la première fois, les partis transnationaux ont investi 5 candidats à la présidence de la Commission européenne. Et pourtant, malgré cette première conquête qui consistait à donner la parole aux électeurs européens sur le choix du futur président de la Commission, la tournée électorale des 5 candidats n’a pas réussi à enrayer la perte de confiance dans les institutions européennes. D’où le besoin urgent de déterminer les instruments politiques qui permettront de réduire la distance entre les citoyens et les institutions européennes. La réponse, à nos yeux, consiste à renforcer la dimension européenne des partis nationaux. Pour approfondir la cohésion politique de l’UE et redonner une légitimation démocratique aux décisions européennes, il faut désormais créer de véritables partis politiques transnationaux et paneuropéens.
Aujourd’hui, le PSE, tout en incarnant le rôle d’une structure de coordination des partis nationaux de la famille progressiste, se révèle un instrument inadapté pour favoriser l’émergence d’un espace européen de militantisme politique. Seuls les partis nationaux pourront provoquer ce changement. L’action des dirigeants des partis n’entrera dans l’histoire que si ces derniers ont le courage de céder une partie de la souveraineté nationale à une structure partisane et politique véritablement européenne.
La relance de l’Union politique, pour nous socialistes et démocrates, consiste avant tout à réformer l’Europe qui, pour devenir plus solide, nécessite plus de cohésion. Face aux crises, nous ne devons pas tomber dans le piège de l’affrontement entre deux options : pour ou contre le « système ». La gauche réformiste européenne est actuellement écrasée entre le modèle existant (un ordre européen profondément libéral, fortement opérationnel sur le plan économique et financier, mais extrêmement fragile sur le plan politique et social) et le populisme. Dans ce contexte, la gauche socialiste et démocrate européenne a le devoir de retrouver sa vocation réformiste en concevant une autre vision au sein même des institutions européennes, et en élaborant et promouvant un projet de réformes politiques aptes à concilier développement économique, intégration et justice sociale.
Pour relever ces défis, il faut commencer le travail chez nous, dans nos partis nationaux : nous devons encourager nos partis à devenir de plus en plus européens dans leur action politique. L’européanisation des partis socialistes et démocrates européens a fait l’objet d’un travail très stimulant réalisé par la Fondation Jean Jaurès, le think tank EuroCité, les sections parisiennes du PD et d’autres partis socio-démocrates européens (1). Ce travail de réflexion collective et transnationale a mis en évidence qu’au sein de nos différents partis, parler d’Europe ne suffit plus : il faut à présent concevoir et élaborer des projets dans une perspective européenne.
La réalisation d’une vision politique commune de l’Europe nécessite de partager les informations et les formations, et de promouvoir des campagnes politiques paneuropéennes sur des sujets cruciaux tels que les droits civiques, les conditions de travail, la fiscalité. Le temps est désormais venu de transformer le PSE en un véritable parti de membres et de militants dotés du pouvoir de désigner les délégués aux congrès, de souscrire à des motions politiques et d’élaborer les réponses que les citoyens européens attendent de nous.
Note
1 – Européaniser nos partis nationaux !, Fondation Jean-Jaurès – EuroCité, coll. « La Cité européenne », 2015.