Des imaginaires venus d’ailleurs pour retrouver l’Europe

Cet article s’insère dans le cadre du projet « Art et Europe » mené en partenariat avec Sciences Po Paris, dans le cadre duquel les étudiants du projet interrogent l’identité européenne via le médium artistique et la culture.

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L’année 2013 a été dédiée à devenir l’année des citoyens par la Commission européenne ; mais au-delà des rares droits civiques conférés par les traités, la citoyenneté européenne est, au mieux, une citoyenneté complémentaire, statutaire et méconnue – au pire, un instrument d’exclusion servant à distinguer étrangers communautaires et extracommunautaires au service de « l’Europe des polices » (Étienne Balibar, Nous citoyens d’Europe ? Les frontières, l’État, le peuple, Paris, La Découverte, 2001).

Ce qu’Étienne Balibar écrivait en 2001 semble donc toujours valable aujourd’hui : la sphère publique européenne demeure inexistante. L’idée d’une citoyenneté européenne, ouverte et détachée de l’idée nationale, reste un horizon improbable, tant il est difficile pour le peuple européen de s’affirmer comme pouvoir politique constituant.

L’Europe que nous connaissons s’est pourtant construite autour d’un projet commun, de valeurs partagées et d’une vision particulière de l’État. La perspective du « vu d’ailleurs » nous permet en particulier de s’en apercevoir. Sujette de toutes les critiques aujourd’hui, l’Europe est souvent perçue par l’extérieur comme une organisation économique mais aussi humaine, qui porte ses fruits et qui, forte de sa diversité, constitue un ensemble historique, politique et culturel particulièrement riche. (Voir l’entretien avec Karine Lisbonne-de Vergeron)

Ainsi, l’Europe est un espace multiculturel, aux frontières mouvantes et indéterminées. C’est depuis des siècles un continent d’immigration comprenant diverses mémoires et identités, qui évoluent et qui circulent constamment. Tandis que certains se replient encore sur les mythes nationaux comme marqueurs d’identité, d’autres, venus d’ailleurs, sont prêts à abandonner leur histoire pour s’approcher de l’Europe, avec l’espoir de se construire et de s’approprier une mémoire nouvelle. (Voir l’entretien avec Vincent Bady, autour de sa pièce Europe ne se souvient plus.)

Entretien avec Karine Lisbonne de Vergeron

Chercheuse spécialiste de l’Europe, auteur notamment de « l’Europe vue d’Inde » (2006), « l’Europe vue de Chine » (2007), et « l’Europe vue de Chine et d’Inde depuis la crise, nouvelles perspectives des grands émergents asiatiques » (2012), publiés par la Fondation Robert Schuman.

Pouvez-vous nous expliquer en quelques mots votre démarche à l’origine de votre ouvrage « L’Europe vue de Chine » et votre méthode de recherche ?

« L’Europe vue de Chine, regards contemporains » (2007) a suivi un premier ouvrage sur « L’Europe vue d’Inde » publié l’année précédente en 2006. Ma démarche a été de se concentrer sur les perceptions extérieures de l’Union européenne en particulier celles des deux grands émergents asiatiques. Jusqu’alors aucune étude n’avait été faite sur la façon dont l’Union européenne et l’idée d’Europe étaient perçues, notamment en Chine et en Inde. Mon dernier ouvrage sur ce thème paru en 2012 «  l’Europe vue de Chine et d’Inde depuis la crise, nouvelles perspectives des grands émergents asiatiques » complète cette démarche. En tant que spécialiste de l’Europe, l’enjeu a été pour moi depuis plusieurs années de réfléchir à l’avenir du projet européen. La question de l’identité culturelle européenne m’a toujours paru essentielle ainsi que la possibilité d’une politique étrangère qui intégrerait davantage la dimension culturelle.

Comment évaluez-vous l’évolution des relations UE-Chine depuis 2007 ? Les changements institutionnels apportés par le traité de Lisbonne en terme de représentation diplomatique ont-ils pu changer le constat selon lequel l’Europe n’est pas une puissance mondiale comparable aux USA ? Ou est-ce que les relations bilatérales avec chaque Etat de l’UE prévalent toujours ? Comment estimez-vous la portée réelle des sommets UE-Chine ?

Je vous invite à lire mon dernier ouvrage « l’Europe vue de Chine et d’Inde depuis la crise : nouvelles perspectives des grands émergents asiatiques » (édition Fondation Robert Schuman et Fondation Konrad Adenauer) qui répond en détail à toutes ces questions. Dans l’ensemble,  le partenariat entre l’Union européenne et la Chine a été élargi de manière significative ces dernières années avec la création depuis 2007 de deux mécanismes complémentaires : un dialogue économique et commercial de haut niveau se concentrant notamment sur des enjeux stratégiques bilatéraux entre la Chine et l’Europe et un dialogue stratégique co-présidé depuis septembre 2010 par la Haute représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères (avec la création du service d’action extérieure de l’Union européenne) et par le conseiller d’État de la Chine. Ce dernier porte sur des questions d’importance commune pour les deux parties au niveau international. Les sommets bilatéraux ont été des étapes importantes dans ce développement. En 2012, le 14ème sommet sino-européen a notamment vu le lancement de l’année du dialogue interculturel entre la Chine et l’Union européenne.

Sur le plan de la politique étrangère, les Chinois perçoivent la création du SEAE comme une avancée pour l’identité de l’Europe dans le monde mais ils anticipent qu’il aura besoin de temps pour qu’émerge une politique étrangère européenne plus cohérente et intégrée à l’échelle internationale qu’ils accueilleraient favorablement. Certains Chinois considèrent par ailleurs que la « méthode de la communauté européenne », qu’ils définissent parfois comme alliant concurrence et coopération, reflète le type d’interaction gagnant-gagnant qu’ils souhaitent pour les affaires du monde. Dans cet esprit, l’UE compte de plus en plus aux yeux de nos partenaires chinois. En revanche, ils considèrent souvent, comme les Indiens sur ce point, que l’Europe manque encore d’une vision stratégique sur l’échiquier international.
Sur le plan économique, la tendance de la Chine à négocier davantage avec les États membres individuels a été renforcée dans le contexte de la crise. Mais beaucoup reconnaissent que cela n’est pas optimal.

Comme cela transparait dans votre ouvrage, les Chinois raisonnent souvent en terme de civilisations complémentaires, l’Orient – la Chine – et l’Occident – principalement représenté par l’Europe. Est-ce à dire qu’il existe aux yeux des Chinois une véritable « entité culturelle » européenne, et comment la définir, outre le double héritage de la chrétienté et des Lumières ? Peut-on vraiment parler de « civilisation européenne », ou bien est-elle englobée dans la civilisation occidentale ?

Oui, bien sûr, l’Europe existe en tant que véritable « entité culturelle » bien que je préférerais parler de civilisation ou de culture européenne. Certes la culture américaine continue d’attirer la jeunesse chinoise, mais dans l’ensemble pour les Chinois, seule l’Europe partage avec leur pays l’expérience d’être une « vieille civilisation ». L’Europe vieille de plus de deux mille ans est la seule entité culturelle historique vraiment comparable à la leur. Mais il existe aussi un contrepoint culturel entre l’Europe et la Chine (qui n’a peut-être pas d’équivalent entre par exemple, l’Europe et l’Inde) : la notion d’un équilibre entre le spirituel et le rationnel qui rend les formes culturelles chinoises et européennes, bien que très différentes, mutuellement compréhensibles. Cela s’est exprimé notamment dans l’appréciation durable et ancienne des Européens pour la porcelaine chinoise ou dans l’ouverture culturelle de la Chine à la musique classique européenne depuis l’introduction de la musique de chambre baroque par les jésuites au 18ème siècle. C’est au fond en grande partie dans la capacité de l’Europe à avoir étonné le monde au travers de sa culture que l’optimisme des Chinois envers l’avenir de l’Union européenne prend sa source. C’est pourquoi j’ai notamment préconisé le renforcement d’une approche culturelle au niveau européen vis-à-vis de la Chine. Le développement d’un dialogue culturel entre l’Europe et la Chine me semble primordial.

Il est clair cependant que la civilisation occidentale recouvre une communauté de valeurs, notamment démocratique, politique et économique, mais la civilisation européenne l’a nourri (on ne peut oublier l’importance de l’Europe dans le développement et la création des États-Unis au 18ème siècle) et elle ne s’y réduit pas. Il y a des différences entre l’Europe et les États-Unis, notamment le maintien de la peine de mort dans plusieurs États américains. Ceci est impensable aujourd’hui au sein de l’Union européenne et donc de son identité culturelle…

Pensez-vous que l’Europe puisse exister culturellement aux yeux du reste du monde sans mettre à mal sa diversité, sa mixité (culturelle, ethnique, religieuse) ?

Je ne vois aucune opposition entre la diversité sociale et culturelle de l’Europe et le fait qu’elle puisse exister culturellement sur la scène internationale. « L’unité dans la diversité » est le fondement du projet européen et la richesse de son modèle économique, politique et culturel. L’Europe existe par ailleurs déjà culturellement dans le monde en particulier vu de Chine. Il me semble au contraire fondamental que l’Europe puisse davantage faire valoir sa culture, la richesse de sa création et continuer de représenter les valeurs qui sont les siennes.

L’idée d’une complémentarité entre Orient et Occident est-elle spécifique à la Chine par rapport à d’autres visions asiatiques ? Vous avez aussi mené une étude en Inde : comment l’Europe et sa (ses) culture(s) y sont-elles perçues ?

La vision que se font les Indiens de l’Europe sur le plan culturel est en un sens bien différente de celle des Chinois. Je vous invite volontiers à lire mon premier ouvrage « L’Europe vue d’Inde, regards contemporains » (édition Fondation Robert Schuman et Chatham House) qui traite de cette question et de la perception culturelle de l’Europe par l’Inde. Dans l’ensemble, les Indiens ont une vision plus pessimiste de l’Europe alors que l’héritage de la période coloniale s’efface ou fait l’objet de réinterprétations et que les Indiens ne semblent plus autant intéressés par l’histoire, l’art ou la société européenne. Le sentiment d’une Europe parfois démodée et introspective se fait souvent entendre. Peut-être parce que le renouveau de l’Inde incite davantage les Indiens à mettre en avant la gloire de la mère Patrie et l’importance de l’Inde comme grande puissance. Il reste néanmoins difficile de remettre en cause les imperfections qui continuent de ternir l’image de l’Inde comme modèle d’une nouvelle ère asiatique : des millions de personnes n’ont jusqu’à présent pas vu les bénéfices de la croissance indienne, le nationalisme hindou pourrait mettre en danger des valeurs fondatrices comme le sécularisme, la tolérance ou même peut-être la démocratie, les femmes ont encore un statut socio-économique secondaire…

Il y a cependant de nombreux points d’attache entre l’Europe et l’Inde : ce sont les deux plus grandes démocraties au monde avec des complémentarités naturelles spécifiques, notamment celle de partager les mêmes opinions en matière de pluralisme et de sécularisme. L’Union européenne et l’Inde sont à ce titre aujourd’hui les deux exemples les plus avancés en matière de multiculturalisme. Si les Indiens éprouvent une certaine fascination vis-à-vis de l’Amérique contemporaine, ce que certains experts considèrent aujourd’hui comme le « rêve indien », ne se définit pas autour d’une société de melting-pot, à l’image de la société américaine, mais plutôt autour d’une communauté de culture préservant leur diversité et leur permettant de s’épanouir. À titre de comparaison, l’Union européenne compte aujourd’hui 27 états membres et plus de 20 langues officielles pour une population de près de 500 millions d’habitants. L’Inde, en regard, compte 28 États et 22 langues officielles pour une population de plus de 1,2 milliards d’habitants. Malgré ces parallèles, alors que la diversité européenne est tout à fait évidente aux yeux Indiens, l’unité de l’Europe l’est beaucoup moins. Pour les Indiens, l’Europe se porterait mieux si elle était plus satisfaite de ses valeurs et de ce qu’elle représente sur le plan culturel.

Enfin, pensez-vous qu’un processus équivalent à l’intégration européenne en Asie soit envisageable – malgré, entre autres, les tensions sino-japonaises réveillées sur les îles Senkaku ? Ou bien l’intégration régionale en Asie peut-elle durablement se passer d’une réconciliation politique et sociale entre les deux anciens « ennemis » et se contenter d’échanges économiques ?

La situation actuelle rend de plus en plus délicate la mise en place d’un processus équivalent à l’intégration européenne en Asie. Des initiatives importantes se sont développées à un niveau régional dans le domaine économique (en particulier le groupement ASEAN). Ceci étant, un processus d’intégration régionale sur un modèle européen ne semble pas être une nécessité, en particulier pour la Chine compte tenu de sa primauté économique dans la région – bien que dans le fond les Chinois verrait probablement de manière positive une réconciliation à terme avec le Japon. Il est évident que la menace du conflit autour des îles dites de la discorde occupe toujours les esprits. Je pense cependant que la Chine a un intérêt pragmatique bien compris, à ne pas faire escalader des mesures de rétorsion en conflit avec le Japon, avec les conséquences possibles que cela pourrait signifier compte tenu des relations et de l’alliance entre le Japon et les États-Unis. Mais aussi parce que, dans le fond, la Chine aurait probablement plus à perdre qu’à gagner dans la poursuite d’un conflit sino-japonais, ne serait-ce que sur le plan économique.

Entretien avec Vincent Bady

Comédien et auteur de la pièce Europe ne se souvient plus qui met en scène la confrontation entre deux étrangers sans papiers, se présentant comme Europe et son frère Cadmos, et le guichetier de la préfecture chargé de leur faire raconter leur histoire…

Cette création théâtrale imagée et engagée met en lumière la contradiction entre le récit mythologique d’une Europe utopique, venue d’ailleurs et fondamentalement ouverte au monde, et la réalité actuelle d’un espace Schengen transformé en « Europe forteresse ».

Extrait du dossier de presse :

« Dans ‘Europe ne se souvient plus’, l’histoire, très actuelle, médiatisée mille fois, de deux étrangers clandestins qui ont survécu à l’exil et se retrouvent en quête d’un pays d’accueil, se ‘f(r)ictionne’ avec une histoire, très ancienne et dont peu se souviennent : le mythe d’Europe et de Cadmos, la sœur enlevée par un taureau dans la mer, et le frère parti à sa recherche pour la ramener au pays de leur père… Le texte mêle étroitement les fils de la réalité documentaire et ceux de la fiction. Il raconte autant les rêves et l’imaginaire des personnages que leur histoire concrète et actuelle.

Si Europe et Cadmos aujourd’hui étaient deux sans-papiers en quête de régularisation, quelle histoire ‘vraie’ ou quelle fiction pourrait servir à protéger leur exil ? De quelle histoire de nulle part, de quelle utopie devraient-ils absolument se souvenir s’ils voulaient pouvoir recommencer leur vie, ici, en Europe ? Cette fiction, très ancienne et très actuelle, voici que le ‘taureau’ du théâtre s’en empare et l’emmène sur les berges de notre monde. » V.B.

Pouvez-vous nous présenter en quelques mots le thème et la trame de la pièce, l’origine du titre ?

La pièce parle du « traitement » en France, notamment à la préfecture, du cas de deux étrangers sans papiers, qui, lors de l’interrogatoire sur les raisons et les circonstances de leur exil, invoquent tous deux un récit de la mythologie grecque : l’histoire d’Europe jeune princesse phénicienne, enlevée par un taureau dans la mer, et celle de Cadmos, son frère parti à sa recherche et fondateur de la cité de Thèbes en Grèce.

La signification du titre « Europe ne se souvient plus » peut  se comprendre au moins de 2 manières :
– par rapport à la fable, c’est le personnage de la jeune femme étrangère qui dit s’appeler « Europe » et qui prétend ne plus se souvenir des circonstances de son exil autres que celles qu’elle invoque, via la mythologie.
– par rapport au thème, c’est l’Europe d’aujourd’hui qui ne souvient plus de ce qui l’a constituée comme utopie, notamment par l’apport continu de tous les étrangers à l’Europe : la mythologie invente l’origine du nom Europe dans celui d’une « étrangère » (une phénicienne…) et fait de l’étranger Cadmos, frère d’Europe, un héros civilisateur (fondateur de cité, ancêtre d’Œdipe et d’Antigone, transmetteur de l’alphabet phénicien, source de l’alphabet grec…)

…votre démarche lors de l’écriture de la pièce et de sa mise en scène ?

J’ai conduit pendant deux ans un travail de rencontres et d’ateliers d’écriture et de pratique théâtrale autour des thèmes de la cité idéale et des utopies, avec des personnes d’origine étrangère dans le quartier du 8E arrondissement à Lyon. Ce travail a donné lieu à des « restitutions » spécifiques avec la participation des personnes rencontrées et de comédiens. L’écriture de la pièce Europe ne se souvient plus est autonome par rapport à cette expérience, même si elle y a trouvé ses propres chemins et motivation.

Étiez-vous en contact avec des acteurs européens (institutions culturelles, artistes…) ?

Non, et je le regrette, même si des présentations partielles sous forme de lectures ont pu avoir lieu dans le cadre de « Banlieues d’Europe » et du Festival « Europe & Cies » à Lyon.

…la réception de la pièce par le public, la presse ?

La pièce, jouée sept fois au NTh8 à Lyon et deux fois au Centre Charlie Chaplin de Vaulx-en-Velin, et une fois en février prochain au CCN de Rillieux-la-Pape, a reçu un bon accueil du public, et quelques rares articles critiques.

Pourquoi cette référence au mythe de la princesse Europe, que représente-t-il ? Avez-vous effectué des recherches sur cette histoire ?

Le récit mythologique présente l’intérêt d’ouvrir des données de notre actualité vers l’horizon d’une culture commune. Ici, l’histoire d’un fait-divers, somme toute assez brutal,  est restituée sur fond d’imaginaire et de  poésie mythologiques. Les personnages des deux sans papiers s’approprient  ces récits légendaires pour résister à la violence qui leur est faite, et par cette appropriation, ils ne sont plus décrits seulement comme des victimes, mais comme des porteurs d’utopie et de liberté. Je crois avoir consulté la plus grande part des sources existantes dans les textes anciens qui racontent l’histoire d’Europe et de Cadmos.

Pensez-vous qu’il pourrait être un mythe fondateur pour constituer une identité européenne ?

Un des mythes fondateurs, oui, si l’on veut bien constituer cette identité comme un creuset en devenir de traces culturelles hétérogènes et venues pour une bonne part d’ailleurs que du continent européen actuel.

Pourquoi le choix de la problématique de l’exil en Europe ?

Parce qu’il nous concerne aujourd’hui politiquement, l’Europe mettant en œuvre depuis plusieurs années des politiques d’exclusion et de contrôle des populations étrangères qui sont à l’opposé de ce qui constitue son dessein utopique.

Y aurait-il d’après vous un art européen ou une identité culturelle européenne capable de dépasser les cadres de références nationales ?

Je ne pense pas qu’il y ait un art  ou une identité culturelle constitués qui appartiennent en propre à l’Europe. Mais je pense qu’il y a en Europe une capacité d’ouverture au « Tout-Monde »  (E. Glissant) et de mise en relation de cultures et d’arts différents, qui existe et doit être défendue,  malgré les périodes où l’Europe a voulu dominer le monde, et où, comme aujourd’hui, elle tend à se refermer sur elle-même.

Sur quoi travaillez-vous désormais ?

J’écris une pièce Rivesaltes-fictions qui traite par les moyens du théâtre, de la réalité historique de ce camp d’internement d’étrangers « indésirables » : juifs, réfugiés de la guerre d’Espagne, tsiganes en 1939-1942, harkis en 1962-73, étrangers sans papiers de 1984 à 2007.

Suzanne Clavairoly, étudiante à Sciences Po Paris

(Illustration : Karine Lisbonne de Vergeron)

Suzanne Clavairoly